Enfants en cellule, femmes enceintes entravées
Les forces de l’ordre en Suisse ne mettent pas d’enfants en cellule et ne menottent pas des femmes enceintes n’opposant aucune résistance. Mais ces principes ne s’appliquent pas aux renvois de requérants d’asile. Car là, les droits humains ou de l’enfant passent au second plan au profit du «deux poids, deux mesures». Dans son rapport sur les renvois forcés (période d’avril 2017 à mars 2018), la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) liste des situations qui démontrent la froide violence de notre politique d’asile.
Le document commence par les bons points: le personnel exécutant les renvois s’est montré «professionnel et respectueux». Aucune administration forcée de sédatifs n’a eu lieu, la tendance est à la diminution des entraves. Autant d’améliorations en comparaison de précédents rapports.
Il reste la description des interventions où les policiers sont intervenus cagoulés ou en bandant les yeux des personnes renvoyées. Celle où on a sciemment menti à une personne souffrant de troubles psychiques, qui a découvert à l’arrivée son véritable lieu d’atterrissage, remise entravée et dans un terrible état de stress aux autorités. Ces femmes, enceintes de sept et huit mois, attachées sans raison notable. Pour les 28 familles renvoyées, la moitié des pères et mères ont été entravés. En gras, dans le texte, la Commission considère cette pratique «envers des parents coopérants» inacceptable. Elle juge que l’on devrait s’abstenir de renvoyer les femmes au-delà de la 28e semaine de grossesse. Et qu’un «établissement pénitentiaire ne constitue pas un environnement approprié pour des enfants». Référence à une mère et ses enfants de 2 mois et demi et 3 ans: 48 heures de prison dans une «cellule familiale» à Thoune. Ou cette autre mère enfermée à l’écart de ses enfants de 1, 5 et 12 ans, eux-mêmes placés dans deux cellules. Les renvois échelonnés des familles sont également dénoncés.
Des recommandations balayées par le comité d’experts (où figure un seul Romand, Bernard Gut, représentant genevois de l’Association des services cantonaux de migration) chargé par la ministre socialiste Simonetta Sommaruga de prendre position. Ce comité s’oppose à des règles trop systématiques, préférant laisser la police juger ce qui est nécessaire. Pour les familles emprisonnées, il botte en touche, suggérant à la Commission de proposer des alternatives. Les femmes enceintes? Elles peuvent prendre l’avion «jusqu’à la 36e semaine». Au régime d’asile qui brutalise les personnes déboutées s’ajoute ainsi un insoutenable mépris de la part de ces éminences grises.