Séparer des enfants de leur famille sous prétexte que leurs parents sont sans-papiers, catalogués citoyens de seconde zone. Enfermer ces enfants dans des cages grillagées. Qu’est-ce que cela dit d’un Etat qui se proclame démocratique? Et qui, devant l’indignation de la société civile, justifie ses actions parce qu’«il est très biblique de faire respecter la loi», selon Sarah Huckabee Sanders, porte-parole de la Maison-Blanche?
Les conditions de détention de près de deux mille enfants à la frontière sud du pays ont profondément choqué, qualifiées de «pratiques cruelles» par le haut commissaire des droits humains aux Nations Unies. Ce scandale qui secoue les Etats-Unis montre que l’administration Trump a renforcé d’un cran son système autoritaire. Difficile de qualifier autrement un gouvernement qui s’appuie sur la religion pour éviter de rendre des comptes à la population et sur son dispositif policier pour appliquer des lois contraires aux droits humains fondamentaux.
Depuis six semaines, des mineurs et leurs familles font les frais de la «tolérance zéro» appliquée à la frontière mexicaine. Mais leur situation s’inscrit dans une douloureuse histoire, qui a commencé avant l’élection de Donald Trump. Les voix – diffusées sur le site journalistique ProPublica – d’enfants de 6 ans à peine qui articulent venir du Guatemala ou du Salvador, qui appellent un papa, une tante, une maman, entre deux sanglots, qu’on rabroue, qu’on cherche à faire taire, qu’on enferme à vingt par geôle, réveillent des fantômes. Ceux d’une société qui a séparé d’innombrables familles au nom de l’esclavage ou de l’acculturation des peuples indigènes. La façon dont Donald Trump a accusé les Démocrates dans cette affaire, au prétexte qu’ils ne collaborent pas avec les Républicains pour réviser les lois de l’immigration, fait de ces mineurs une monnaie d’échange politique, la source d’un indigne chantage.
Alors que les regards désapprobateurs tombent sur l’Amérique de Trump et ses dérives, certaines voix s’élèvent pour rappeler qu’en Europe, la France a par exemple été régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour les conditions qu’elle inflige aux enfants étrangers et le nombre de jeunes incarcérés y augmente d’année en année. Quant à la Suisse, les cas s’accumulent de familles déchirées, renvoyées dans des conditions inhumaines, de mineurs non accompagnés reconduits à la frontière. En cette Journée internationale des réfugiés, la question ne se pose même pas. Le seul fait de ne pas avoir les bons papiers ne saurait justifier aucune de ces peines.