Édito

La pire des réponses

La pire des réponses
Une opération policière d'envergure a visé le squat des Sauges mardi. KEYSTONE

En poussant un «coup de gueule» dans la presse et sur son compte Facebook contre le deal de rue à Lausanne, tout en pointant une poignée «d’Africains de l’Ouest» comme les responsables de cette «gangrène», le cinéaste Fernand Melgar a soulevé une intense polémique. Elle a été nourrie par un énorme emballement émotionnel sur les réseaux sociaux. Certains commentateurs sont allés jusqu’à appeler à attaquer physiquement les dealers. Heureusement, de nombreux autres ont fermement condamné le dérapage assumé du réalisateur de Vol spécial.

Il n’est pas question de nier la gêne que peuvent ressentir des citoyens face à l’occupation de l’espace public par le commerce de substances illégales. Ni l’impact du deal de rue sur le voisinage immédiat. Et encore moins les inquiétudes de parents qui craignent de voir leurs enfants s’enfoncer dans la spirale de la dépendance à des produits nocifs pour la santé.

La saillie populiste de Fernand Melgar n’en est pas moins extrêmement grave. Le réalisateur et ses soutiens du moment montent le problème en épingle, sur la base d’accusations non avérées et même contestées par la police. Surtout, ils le prennent par un biais inefficace en matière de prévention.

La consommation de drogues est avant tout un problème de santé publique, de portée mondiale. La répression ne l’a jamais résolue. Nulle part! Depuis des décennies, les autorités de quasiment tous les pays se sont cassé les dents sur leurs tentatives d’éradiquer la consommation de stupéfiants. Et les «guerres» contre les réseaux de trafic et de vente n’ont pas obtenu de meilleurs résultats.

Désespérant? En effet. Mais pointer du doigt le maillon le plus faible et le plus visible de la chaîne de commercialisation est probablement la pire des réponses. Les réseaux exploitent expressément pour la vente de rue quelques jeunes migrants sans ressources, car ils concentrent l’attention et sont facilement «jetables». Or, c’est ce sinistre jeu que nourrissent ceux qui les accusent de tous les maux. En stigmatisant au passage l’entier d’une population.

L’appel à manifester pour «chasser» les dealers des rues lancé par la présidente du PDC lausannois, et relayé par Fernand Melgar, s’inscrit dans le même registre. De telles mobilisations sont, au mieux, inutiles. Et peuvent surtout s’avérer néfastes. Elles parviendront tout au plus à repousser la problématique quelques rues plus loin. Leurs pires conséquences? Encourager des agressions.

Fernand Melgar se pose en lanceur d’alerte. Mais face à une problématique complexe, qui enchevêtre l’accès des migrants au marché du travail, la prévention des addictions et la qualité de vie dans les quartiers, son coup de sang ne résout rien. Pis, il transforme un cinéaste qu’on croyait sensible aux injustices en boutefeu dévastateur.

Opinions Édito Gustavo Kuhn

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