Édito

La politique emprisonnée

La politique emprisonnée 2
Des manifestations ont été organisées le 25 mars dernier, après l'arrestation du leader catalan Carles Puigdemont. KEYSTONE
Catalogne

«Deutschland hat jetzt seinen ersten politischen Gefangenen.» «L’Allemagne a maintenant son premier prisonnier politique»: la réaction de la Süddeutsche Zeitung à l’arrestation du leader catalan Carles Puigdemont suffit à prendre la mesure de la gravité de la situation. N’en déplaise aux tautologues de la légalité, les juges et le droit pénal n’ont pas grand-chose à faire dans ce conflit intra-espagnol. Au contraire, les incarcérations de dirigeants politiques pacifiques pour «crimes» de rébellion ou de sédition sont inadmissibles dans des régimes qui se veulent libéraux et démocratiques.

De la Belgique, qui avait refusé de livrer l’ex-président de la Generalitat, à la Suisse, qui affirmait récemment «ne pas extrader pour des délits politiques», cette appréciation semblait largement partagée en Europe. L’attitude de Berlin n’en est que plus décevante. Symboliquement, elle est même catastrophique: n’est-ce pas l’Allemagne qui livra à Franco en 1940 le président déchu de la Generalitat, Lluis Companys?

Sans doute le parallèle est-il excessif, mais la voie liberticide empruntée par l’Espagne – et désormais cautionnée par l’Etat le plus puissant de l’UE – ne manque pas d’inquiéter. Au-delà du cas catalan – où les embastillés risquent tout de même trente ans de prison!–, c’est tout l’Etat espagnol qui dérive en eaux troubles. Depuis l’adoption de la loi sur la «sécurité citoyenne» en 2015, aussi connue comme «Loi muselière», plus de 100 000 sanctions ont été prononcées contre des manifestants. Une centaine d’artistes ou de communicateurs sociaux ont, eux, subi les foudres des juges, sur la base de l’article pénal punissant la «glorification du terrorisme» 1>Selon des données d’Amnesty International..

Acculé, Mariano Rajoy joue toujours la même partition: le rideau de fumée et la répression. Naguère contre les Indignés, les victimes des hypothèques ou Podemos, aujourd’hui face aux retraités, dont le mouvement de protestation est très populaire. Ou encore pour se dépêtrer du dernier scandale en date touchant le Parti populaire, en l’occurrence sa cheffe de la Région de Madrid, Cristina Cifuentes, visiblement titulaire d’un faux diplôme universitaire.

Habile à agiter le diable séparatiste pour se maintenir au pouvoir et poursuivre son agenda néolibéral et autoritaire, M. Rajoy portera une responsabilité historique, non seulement dans l’aggravation de la crise catalane mais aussi et surtout dans la dislocation politique et morale de son pays.

 

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