La liberté de l’individu exige promptitude et diligence
Le 8 mars dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a dit que la Grèce avait violé l’article 5 § 4 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit à toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale .
Le même jour, la Cour a condamné l’Allemagne dans une autre affaire pour le même motif Dans l’affaire grecque, la requérante, avocate de profession, avait été placée en détention provisoire en raison de soupçons qu’elle fasse partie d’une organisation criminelle impliquée dans plusieurs crimes, notamment enlèvement d’un entrepreneur, homicide volontaire et préparation d’un assassinat. Les soupçons la concernant étaient fondés sur l’enregistrement de ses conversations téléphoniques avec l’un de ses clients incarcérés. Il était reproché à la requérante d’avoir fourni des informations sur une salle d’un tribunal dans laquelle le gang projetait des assassinats, sur les personnes qui y seraient présentes ainsi que sur l’emplacement des sorties. Il lui était également reproché d’avoir introduit des téléphones mobiles dans la prison. Détenue depuis le 22 juillet 2009, elle forma une demande en libération le 3 novembre de la même année, sur laquelle le juge d’instruction ne statua que le 9 décembre, après avoir reçu la proposition du procureur le 4. Après recours, elle fut libérée le 15 janvier 2010.
La Cour rappelle que l’article 5 de la Convention consacre un droit fondamental de l’homme: la protection de l’individu contre les atteintes arbitraires de l’Etat à sa liberté. La substance de son 3e paragraphe est le droit de rester libre dans l’attente d’un procès pénal. Pour l’autorité judiciaire, il ne peut y avoir d’option entre la mise en jugement dans un délai raisonnable et une mise en liberté provisoire, fût-elle subordonnée à des garanties. Cette disposition impose la liberté provisoire à partir du moment où le maintien en détention cesse d’être raisonnable. La détention provisoire doit apparaître comme la solution ultime qui ne se justifie que lorsque toutes les autres options disponibles se sont révélées insuffisantes. Lorsqu’elles sont appelées à se prononcer sur le caractère raisonnable d’une détention provisoire, les autorités compétentes ont l’obligation de rechercher s’il n’existe pas de mesures alternatives à la poursuite de la détention.
De même, la Cour rappelle que les procédures relatives à des questions de privation de liberté requièrent une diligence particulière et les exceptions au principe d’une constatation à «bref délai» de la conformité d’une détention appellent une interprétation stricte. Puisque la liberté de l’individu est en jeu, l’Etat doit faire en sorte que la procédure se déroule dans un minimum de temps. Dans le cas particulier, le procureur avait mis plus d’un mois à faire sa proposition au juge. Le délai entre la demande de libération et la décision était ainsi de trente-cinq jours, laps de temps contrevenant à l’exigence de statuer à bref délai.
La Suisse a également été condamnée à plusieurs reprises pour violation de l’article 5 § 4 de la Convention, souvent en rapport avec des procédures spéciales, tel l’internement. Le Code de procédure pénal suisse, entré en vigueur en 2011, prévoit des délais courts à chaque étape de la procédure. La transgression de certains de ces délais a pour effet de rendre la mesure de contrainte illégale.
*Avocat au Barreau de Genève, membre du comité de l’Association des juristes progressistes.