Chroniques

Netanyahou a oublié l’histoire juive, mais pas nous

AU PIED DU MUR

Le gouvernement de Benjamin Netanyahou vient de le décider: des milliers de demandeurs d’asile venant essentiellement d’Erythrée et du Soudan vont être expulsés… au Rwanda. En dépit des conventions internationales que l’Etat d’Israël a ratifiées, leurs requêtes n’ont même pas été entendues. Car pour le gouvernement de l’Etat hébreu, ils ne sont pas des réfugiés qui fuient les guerres, les massacres ou la faim, mais des «infiltrés» – l’équivalent local de «clandestins».

Le Rwanda nie avoir accepté de recevoir ces requérants, mais les autorités israéliennes expliquent, dans un document distribué aux expulsables, que le Rwanda est le paradis sur terre: un pays accueillant et en pleine expansion économique. Elles promettent plus 3500 dollars aux volontaires, remis une fois à l’aéroport de Tel Aviv. Qui a dit qu’on n’était pas généreux dans le pays de l’OCDE où le fossé entre riches et pauvres est le plus grand?

Avec le cynisme qui les caractérise, Netanyahou et son équipe nomment cette vaste opération d’épuration ethnique – car seuls les «infiltrés» noirs sont concernés – «expulsion volontaire»… puisque ceux-ci ont le «choix» de prendre l’avion ou de rester indéfiniment parqués dans le camp de rétention de Holot, dans le désert du ­Néguev.

Au moment où je commençais à écrire cette chronique, j’avais la rage et la honte d’être Israélien. Mais rapidement une certaine fierté s’est superposée à mes premiers sentiments. Une partie non négligeable de ma société s’est révoltée contre mon gouvernement. A commencer par de nombreux journalistes de la presse quotidienne, rapidement suivis par la pétition de plus d’une centaine de directeurs d’écoles adressée au ministre de l’Education: «Nous éduquons nos élèves dans l’esprit de ‘plus jamais ça’, et cela ne doit pas concerner que les Juifs.»

Les initiatives citoyennes ont fleuri: la rabbine Suzan Sielberman a constitué le mouvement «Refuge Israel», auprès duquel on peut s’inscrire pour recueillir chez soi des réfugiés menacés d’expulsion. Plusieurs centaines de personnes ont déjà rejoint le mouvement. Parmi elles, 200 rabbins qui, outre leur engagement personnel, motivent leurs ouailles à faire de même.

Tout dernièrement, plusieurs dizaines de pilotes et de membres du personnel navigant de la compagnie aérienne El Al ont déclaré qu’ils refuseraient de participer à l’expulsion de demandeurs d’asile. Ils ont appelé leurs collègues des autres compagnies à se mobiliser. L’un d’entre eux, le commandant Ido Elad, a déclaré: «J’ai rejoint l’appel de nombreux et très honorables collègues pilotes qui refuseront de participer à une telle opération.» Un autre, Yoel Piterberg, ajoute: «On ne jette pas comme des chiens vagabonds des refugiés qui vivent chez nous vers des pays où les attendent viols et mort violente. Il faut s’occuper de ces refugies ici, et comme des êtres humains.»

Le dénominateur commun de toutes ces initiatives, appels et pétitions est une profonde conscience de notre identité juive et des persécutions subies à travers les siècles par nos ancêtres, uniquement parce qu’ils étaient juifs et souvent apatrides. Notre histoire est une histoire de réfugiés, de sans-papiers, d’exclusion et d’expulsions. Netanyahou, Lieberman et Benett ont, eux, «oublié ce que c’est d’être Juif» (1).

* Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

(1) Référence à une phrase de Benjamin Netanyahou prononcée au cours d’une campagne électorale contre la gauche.

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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