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RIE III: ne pas perdre le Sud

UN MONDE À GAGNER

On ne reviendra pas sur la cinglante claque que les opposants à la RIE III vaudoise (dont nous sommes) se sont pris dimanche dernier. Lorsque l’ensemble des partis politiques de la gauche à l’extrême-droite, appuyés par le centre patronal, le syndicat Unia et les médias, font bloc, il est difficile de faire entendre sa voix. Et lorsque le gouvernement arrive à faire croire qu’une baisse d’impôt massive pour les entreprises peut être accompagnée d’une augmentation (bienvenue!) des prestations sociales, sans que quiconque ait à en souffrir, l’opposant défait ne peut qu’applaudir à cette magistrale leçon politique. Il est vrai que nous n’avons pas été aidés par nos collègues qui ont persisté à considérer les contreparties sociales comme étant négligeables.

Mais, sans présumer d’un éventuel référendum contre la version fédérale de cette RIE III, le bloc qui a gagné cette votation doit désormais détailler sa vision du futur du canton du Vaud. Son aile gauche en particulier (PS, Verts et Unia) doit dire si elle compte continuer à bâtir la prospérité économique du canton sur la poursuite mordicus de la concurrence fiscale, entre cantons, certes, mais aussi entre le Nord et le Sud.

Car c’est bien de cela dont il s’agit avec la RIE III fédérale, dont le pendant vaudois n’est qu’un accompagnement. Loin de faire cesser les pratiques néfastes des entreprises multinationales, les demandes de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), relayées par la Suisse, ne font que leur offrir un vernis de légalité. Preuve en est qu’avec les nouvelles déductions autorisées, les entreprises multinationales au bénéfice d’un statut spécial, et qui verraient formellement leur taux d’imposition augmenter, ne paieront vraisemblablement pas plus d’impôts.

Le problème dépasse donc de loin les finances publiques communales, cantonales ou même fédérales en Suisse. Le système fiscal helvétique, renforcé par la RIE III, consiste à permettre à des entreprises gigantesques de ne pas payer leurs impôts dans les lieux où elles exercent leurs activités effectives – activités qui, souvent, ont des conséquences sociales et environnementales tragiques. Ces milliards de francs viennent ainsi chaque année à manquer dans les budgets de pays en développement et ne servent donc pas à financer les écoles, les hôpitaux, les transports publics ou la santé des habitants de ces pays. Au contraire, grâce au vernis fiscal suisse, les bénéfices extorqués au Sud sont recyclés dans les larges dividendes versés aux actionnaires. A la moindre menace de régulation, ces entreprises qui ne connaissent pas d’autre loi que celle du profit menacent de délocaliser – et les politiciens suisses, obligeamment, cèdent à toutes leurs demandes.

Pourra-t-on encore longtemps, comme socialistes et écologistes, accepter que la richesse, et une partie de l’emploi, de notre pays repose sur ce dépouillement systématique du Sud? Et si non, que proposons-nous à la place?

* Chercheur et militant.

Opinions Chroniques Romain Felli

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lundi 8 janvier 2018

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