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Graciée après trois ans de prison pour avoir avorté

SALVADOR • La grâce accordée par l’Assemblée parlementaire à une jeune femme emprisonnée après avoir fait une fausse couche donne de l’espoir aux seize autres femmes incarcérées pour des charges similaires.

En 2007, Guadalupe a été condamnée à une peine de prison de trente ans après avoir été soupçonnée à tort d’avoir mis un terme à sa grossesse. Elle n’avait que dix-huit ans. «En prenant cette décision, le Salvador répare une terrible injustice. Guadalupe n’aurait jamais dû être incarcérée. Cette libération est un triomphe de la justice et le résultat du travail acharné des militants locaux des droits humains», a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.

«Cette décision doit marquer un tournant s’agissant des lois rétrogrades du Salvador qui sanctionnent les femmes et les jeunes filles souffrant de complications médicales au cours de leur grossesse. Il est temps pour les autorités de réviser les condamnations prononcées contre les femmes incarcérées pour des complications liées à la grossesse et de mettre fin à la criminalisation des femmes et des jeunes filles en abrogeant la loi contre l’avortement.»

Le Salvador a l’une des lois relatives à l’avortement les plus draconiennes du monde: elle pénalise l’interruption de grossesse en toutes circonstances, même lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la jeune fille enceinte est en danger et même en cas de viol. Les femmes et les jeunes filles soupçonnées d’avoir avorté illégalement sont souvent, de manière cruelle et délibérée, inculpées d’homicide, comme ce fut le cas pour Guadalupe. Les seize autres femmes incarcérées an raison de complications liées à la grossesse ont également sollicité une grâce. L’une d’entre elles est sortie de prison en décembre 2014, après avoir purgé sa peine de douze ans de prison. Les quinze autres attendent que l’Assemblée parlementaire se prononce sur leur recours dans les mois à venir.

Amnesty International a lancé la campagne «My Body, My Rights» (Mon corps, mes droits) pour que les gouvernements, entre autres, cessent de régenter et de criminaliser la sexualité et la procréation. Tout au long de cette campagne, débutée en 2014 et qui doit se poursuivre cette année, l’organisation s’efforce d’obtenir des changements concrets dans la vie des gens de plusieurs pays, notamment au Salvador. Cette campagne vise à rappeler aux dirigeants du monde leur obligation de respecter, de protéger et de réaliser les droits sexuels et reproductifs.

Guadalupe fait partie d’un groupe de dix-sept Salvadoriennes purgeant des peines de douze à quarante ans de prison pour des complications liées à une grossesse. Les préjugés, les éléments de preuve douteux et l’absence d’assistance juridique efficace figurent parmi les dénominateurs communs des procédures et procès entachés d’irrégularités dont elles ont fait l’objet, qui résultent d’un environnement hostile envers les droits sexuels et reproductifs des femmes. Dans de nombreux cas, elles ont d’abord été accusées d’avortement, puis de meurtre avec circonstances aggravantes, crime passible de peines de prison beaucoup plus lourdes.

La pétition réclamant une grâce pour Guadalupe a été présentée par l’Association citoyenne pour la dépénalisation de l’avortement, et mettait en avant les préoccupations relatives au respect des garanties prévues par la loi et à l’équité de son procès. L’examen médicolégal effectué à la suite de la fausse couche a conclu que la cause du décès était «indéterminée» et il n’existait aucun élément indiquant qu’elle avait provoqué la mort du fœtus – ce qui suffirait à rendre sa condamnation injuste.

En outre, lorsqu’elle a été conduite dans un hôpital public après la fausse couche, le personnel l’a dénoncée à la police, qui l’a interrogée sans avocat pendant qu’elle recevait encore des soins médicaux. Elle n’a fait l’objet d’aucune évaluation psychologique à l’époque, si bien qu’il était impossible pour le juge d’évaluer son état d’esprit pendant cet interrogatoire.

Le 16 janvier 2015, le parlement salvadorien a réexaminé son dossier et refusé de justesse sa libération. Amnesty international s’est mobilisé pour qu’elle obtienne grâce et le 21 janvier, à l’issue d’un nouveau vote, le Parlement lui a cette fois accordé la liberté. Une seule voix a fait basculer la majorité!
 

* Paru sur le site d’Amnesty International Suisse, www.amnesty.ch/fr

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