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Un climat de peur et de méfiance envers les étrangers

AGORA ASILE • Militant pour les droits des migrants, Claude Braun revient sur les mesures les plus scélérates contenues dans la révision de la loi sur l’asile, et appelle à signer le référendum.

Pendant la session d’automne, le Parlement fédéral a entériné la révision de la loi sur l’asile par un arrêté fédéral urgent. Les débats se sont déroulés dans une véritable hystérie. La majorité de droite du Parlement a largement contribué à attiser un climat de peur et de méfiance envers les étrangers. Les propos belliqueux ont trouvé un large écho dans la plupart des médias. Le texte de loi qui en est sorti empoisonne le climat politique en Suisse et va pousser d’innombrables hommes, femmes et enfants dans la détresse.
Par les arrêtés fédéraux urgents, le Parlement peut élaborer des textes pour répondre à des situations d’urgence. Or, s’il y a urgence en la matière, ce n’est certainement pas en Suisse, mais plutôt dans les pays d’origine des réfugiés. Le lancement du référendum n’a pas d’effet suspensif vis-à-vis de ces arrêtés et ceux-ci sont donc déjà en vigueur depuis le 6 octobre 2012.
Les points les plus importants de la révision sont l’abolition de la procédure d’ambassade, l’abolition de la reconnaissance de la désertion comme motif d’asile et la création de nouveaux camps pour les soi-disant «récalcitrants».
• L'abolition des procédures d’ambassade. Si un coup d’Etat avait lieu demain dans un pays, l’ambassade suisse devrait immédiatement monter une garde armée autour de son enceinte pour empêcher la population d’y venir y déposer leur éventuelle demande d’asile. Ainsi, les personnes persécutées perdraient un moyen légal de quitter leur pays.
• La désertion comme motif d’asile. Selon la nouvelle loi, les déserteurs ne peuvent plus bénéficier de l’asile dans notre pays et ne peuvent que demander une admission provisoire. Le statut de réfugié est ainsi restreint de façon considérable. Or ce sont les déserteurs qui sont les opposants les plus crédibles en cas de conflits armés et ce sont justement eux qui devraient être nos interlocuteurs privilégiés. Lorsqu’au début des années 1990 la guerre civile faisait rage en ex-Yougoslavie, le Forum civique européen (FCE) menait une campagne à travers toute l’Europe pour soutenir la cause des déserteurs et c’est à ce moment-là que le clown Dimitri a lancé la phrase: «les déserteurs sont des héros».
• La politique des camps. Une nouvelle forme d’enfermement a été définie pour une nouvelle catégorie d’individus: les soi-disant «récalcitrants» qui pourront être placés dans des «centres spécifiques». Le terme de «récalcitrants» n’a pas un contenu juridique précis et l’administration peut, par cette mesure, incarcérer des personnes qui n’ont pas commis de délit mais qui «dérangent» les autorités. Pour rappel, il existait en Suisse jusqu’aux années 1970, des établissements d’internement dans lesquels des hommes et des femmes pouvaient être enfermés, parfois à vie. La nouvelle loi d’asile réintroduit ce genre de pratique et autorise des pratiques arbitraires de nos autorités.
En tant qu’activistes du Comité européen pour la défense des réfugiés et immigrés (CEDRI), il nous semblait évident de lancer un référendum pour combattre cette loi, tout en sachant qu’une campagne de votation ne serait pas une promenade du dimanche. Il nous semble inadmissible qu’une telle législation puisse entrer en vigueur. Nous nous y opposons. Nous regrettons d’ailleurs que les grandes organisations telles que le Parti socialiste, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) et Amnesty International ne soutiennent pas actuellement ce référendum. Mais il se peut que leur position vacille devant l’incompréhension de leurs adhérents. La situation avec les églises est la même. Leur silence pourrait être compris comme une acceptation de ces durcissements.
Nous nous réjouissons que les Jeunes Verts se soient jetés à l’eau et il est évident pour nous qu’il faut les soutenir le plus possible. Leur engagement a déjà donné des résultats chez leurs «parents»: les Verts suisses se sont ralliés après une période d’hésitation. Entre-temps, le comité a été rejoint par un nombre considérable d’organisations et il continue à s’agrandir.1
Il s’agit maintenant de ne pas perdre de temps puisque les 50'000 signatures certifiées doivent être déposées à la Chancellerie fédérale mi-janvier. Compte tenu des jours fériés entre Noël et Nouvel An, la plupart des signatures devront être collectées à la mi-décembre. Le temps presse!

* Comité européen pour la défense des réfugiés et immigrés (CEDRI), Bâle.
1 Plus d’informations: www.asyl.ch. Vous pouvez également adhérer au comité et le soutenir activement.

Opinions Agora Claude Braun

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