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«Ne croyez pas que vos libertés soient garanties»

AGORA ETATS-UNIS • Depuis que Barack Obama a annoncé son projet de rendre la couverture des frais de contraception obligatoire pour les compagnies d’assurance, le débat sur les droits reproductifs de la femme a envahi les médias américains.

On parle de guerre ouvertement déclarée contre les femmes et leurs libertés, d’attaques sans précédent sur l’émancipation de la femme et de retour en arrière inquiétant dans l’égalité entre homme et femme. Non seulement les femmes, mais tout un pan de cette population américaine dite libérale se sent directement concerné par les propos des évêques catholiques d’une part et ceux des candidats à l’investiture républicaine d’autre part.
Dans le climat politique actuel des Etats-Unis, nombreuses sont celles qui s’exclament: «On croyait nos droits acquis! Les générations de nos mères et grands-mères n’ont-elles pas lutté pour nos libertés?» La légalisation de l’avortement aux Etats-Unis remonte à 1973 alors que le droit individuel aux moyens de contraception était approuvé par la Cour Suprême en 1972. Et voilà que les femmes américaines sont rappelées aujourd’hui à la fragile réalité de leurs libertés: la politique de droite, main dans la main avec une certaine autorité religieuse, dénonce soudainement ces droits qui semblaient, hier encore, gagnés.
Tout a basculé lorsque Rick Santorum (l’un des quatre candidats à l’investiture républicaine pour la présidentielle du 6 novembre, ndlr) a déclaré à la fin du mois d’octobre dernier: «Une chose dont je parlerai et dont aucun président n’a parlé auparavant, c’est des dangers que la contraception représente pour notre pays… de nombreux chrétiens ont décidé que c’était ok, mais ce n’est pas ok. C’est une invitation à adopter un comportement sexuel contraire à ce qui doit être.»
Et puis, très récemment, il y a eu les attaques virulentes du fameux journaliste de droite, Rush Limbaugh, qui s’en est pris à une étudiante de Georgetown, Sandra Fluke, alors qu’elle défendait la position d’Obama sur le droit à une couverture des frais de contraception. Ses attaques étaient si dures qu’il a été poussé par ses propres sponsors à s’excuser publiquement.
Le débat sur la contraception a toujours été un débat emblématique de la lutte des femmes pour leur émancipation. Habituellement cependant, lors des débats politiques américains, l’avortement restait la pierre d’achoppement; aujourd’hui, le glissement sur la question de la contraception marque un nouveau tournant.
Ce tournant traduit, et c’est là ce qui est inquiétant, une tendance de plus en plus marquée à vouloir affirmer une série de valeurs dites chrétiennes, sans aucun regard critique et, par-là même de réinstaurer une société fondamentalement dominée par les vieilles structures de pouvoir. Après les femmes, à qui le tour? Il est clair que les femmes noires américaines sont doublement inquiètes de ce nouveau degré d’attaques venant de la droite chrétienne.
Lors de ma première visite à New York il y a bientôt vingt ans, j’avais découvert un magasin qui vendait des t-shirts aux slogans les plus divers. Je me souviens d’y avoir acheté un t-shirt qui portait l’avertissement suivant: «Don’t assume your freedoms are assured» (ne croyez pas que vos libertés soient garanties). Je l’ai longtemps porté et, pendant des années, il m’a servi de t-shirt pour les grandes occasions, telles que la Gay Pride à Manhattan ou autres manifs en faveur du droit des minorités.
Je l’avais oublié depuis longtemps; pourtant, aujourd’hui, à l’écoute des débats sur la contraception, l’avortement et autres législations qui cherchent à limiter les droits de certains citoyens ou citoyennes, je regrette mon vieux t-shirt! En même temps, je me dis qu’il ne serait plus vraiment d’actualité; ne faudrait-il pas mieux revenir en arrière là aussi et rappeler le fameux adage de Martin Luther KingJr.: «where there is injustice for one, there is injustice for all» (l’injustice contre un seul est une injustice contre tous).

* University of Utah (USA). Texte paru sur Protestinfo.ch

Opinions Agora Muriel Schmid

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