Économie

Repérer les «fausses croyances»

Le moment semble propice pour dénoncer les «fausses croyances» sur la prétendue autorégulation des banques d’investissements, les bienfaits supposés illimités des innovations en matière de techniques financières, les retombées présumées profitables pour l’économie globale et pour l’ensemble de la société…
Lundi à l’Université de Lausanne, une conférence intitulée «La crise financière, les Etats-Unis et l’UBS» était organisée par le Centre de recherche interdisciplinaire sur l’international (CRII), l’unité de recherche du pôle lausannois en relations internationales, à la Faculté des sciences sociales et politiques. L’une des invitées était la chercheuse Anastasia Nesvetailova, qui enseigne l’Economie politique internationale à la City University de Londres. Elle a publié plusieurs ouvrages et articles portant sur la finance, les crises et la dynamique de la globalisation. Pour analyser les mécanismes de la crise financière actuelle, elle mobilise les travaux de Hyman Minsky (1919-1996), économiste américain d’origine russe, resté pendant longtemps en marge de l’orthodoxie économique, mais dont l’expression «aveuglement face au désastre» est aujourd’hui sur toutes les lèvres pour décrire la crise actuelle.
On doit à Minsky d’avoir mis en évidence ce que les économistes appellent le «Ponzi Finance», en référence à l’escroc éponyme (Charles Ponzi), un immigré italien vivant aux Etats-Unis dans les années 1920, qui avait ouvert un fonds sur lequel il promettait des intérêts de 50%! Les premiers investisseurs reçurent les intérêts promis, mais on s’aperçut rapidement que cet argent avait été prélevé sur les sommes confiées par les investisseurs suivants. Ainsi, le concept de «Ponzi Finance» renvoie à un mécanisme de financement dont la solvabilité n’est pas assurée par le rendement attendu de l’investissement, mais par la contraction récurrente de nouvelles dettes. Un système économique basé sur ce principe est, à terme, voué à l’effondrement.
Or, selon Anastasia Nesvetailova, ce principe sous-tend certaines des techniques de crédit et de gestion des risques, développées par l’innovation financière, et qui sont à l’origine de la crise actuelle. Elle analyse en particulier les mécanismes qui entretiennent l’«illusion de liquidité» durant les années de boom et qui conduisent à son évaporation en période de crise.
Dans les années de boom du crédit facile, l’un des grands soucis des observateurs tels que Ben Bernanke (l’actuel président de la Réserve fédérale des Etats-Unis) et le Fonds monétaire international était la surabondance structurelle de liquidité. Cette surabondance était interprétée comme le résultat d’un déséquilibre entre l’épargne des marchés émergents et les dépenses de consommation au sein des économies anglo-saxonnes. Cette préoccupation s’est avérée naïve et fausse. La bulle de crédit facile était en réalité une crise nord atlantique de liquidité artificielle sous-tendue par deux illusions: la croyance selon laquelle l’innovation financière transforme des mauvaises dettes en actifs liquides; et l’idée selon laquelle la création de crédit privé renforce en fait la liquidité du système financier. C’est la conjugaison de ces deux illusions qui menace aujourd’hui l’ensemble du système financier. VP

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