Édito

«Queerer» la famille pour toustes

«Queerer» la famille pour toustes
Une manifestation contre la transphobie a mobilisé du monde à Paris pour défendre les droits des personnes trans ce dimanche. KEYSTONE
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Dans plusieurs villes françaises, des manifestations ont dénoncé hier une «offensive en cours» contre les droits des personnes trans. En cause, la parution d’un livre accusé de «diaboliser» la communauté transgenre. Et une proposition de loi demandant au Sénat français d’interdire entre autres l’administration de bloqueurs de puberté aux mineur·es. L’appel à la mobilisation a été lancé par plus de 800 collectifs et personnalités dont Annie Ernaux, Act-Up ou le Planning familial. Au nom de la lutte contre les discriminations et, comme le formule une représentante du Planning, du droit à disposer de son corps.

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Si des décennies de militance ont été nécessaires aux personnes homosexuelles pour obtenir le droit de faire famille, celle-ci apparaît pourtant comme un bastion hétérosexuel difficile à prendre. Pour les parents queers, se projeter dans la parentalité achoppe à la fois à la sommation biologique et au soupçon qui pèse sur eux et elles quant à leur capacité d’élever leurs enfants d’une façon considérée comme «saine». Et ce, malgré des décennies de recherches scientifiques démontrant que ces configurations familiales atypiques ne prétéritent ni le bien-être ni le développement des enfants.

Le génie queer, c’est le questionnement. «La queerness m’a demandé d’innover, de tracer des chemins alternatifs», écrit Ocean Vuong, cité par la sociologue Gabrielle Richard, qui a enquêté sur les familles queers. «Elle m’a rendu curieux, m’a fait me demander: Est-ce que cela me suffit?» Soumis à la pression d’une norme qui les marginalise, les parents queers repensent, pour s’en dégager au besoin, les évidences acquises depuis l’invention de la famille nucléaire: faut-il forcément être monogame/sous le même toit/deux/amoureux-se pour faire famille? La personne qui a porté l’enfant est-elle davantage parent? Quel peut être le rôle des complices, parrains-marraines et adultes entourant l’enfant? Les rapports de pouvoir entre parents – que le patriarcat a solidement installé dans le couple hétérosexuel – sont eux aussi passés au crible tout comme la reproduction des discriminations. Nécessité pour les personnes queer qui veulent faire famille, cette démarche critique pourrait libérer celles de tous les autres.

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