Un budget de 1,7 milliard en pleine débâcle? Viola Amherd ne manque pas d’air. Hier, la cheffe du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a dégainé la note, droite dans ses bottes. Comme si de rien n’était. A mi-janvier, rappelons-le, elle avait pris tout le monde de court en annonçant son départ au 31 mars. Et depuis, c’est l’hémorragie, avec les démissions successives du commandant des Forces aériennes, Peter Merz, du chef de l’armée, Thomas Süssli, et de Christian Dussey, patron du Service de renseignement de la Confédération.
La stabilité du DDPS dans un contexte international volatil est essentielle, juge l’écologiste Fabien Fivaz, membre de la commission de la politique de sécurité du Conseil national. C’est vrai, d’autant que le pataquès intervient au moment des révélations sur la gestion calamiteuse de l’entreprise d’armement suisse Ruag. A quoi il faut ajouter le coût exorbitant du nouveau chasseur F-35 – avec des dépassements et de probables retards de livraison, en raison de la forte demande – et du drone israélien Hermes-900, lui aussi en retard, en plus de poser un sérieux problème éthique en termes de partenariat militaire.
Que dit cette série noire? Difficile d’y voir clair. Il y a manifestement des dissensions à la tête de l’armée. Et une difficulté à définir ses missions, alors que le jeu international se brouille – l’anticipation étant l’exigence numéro un en matière de défense. Tiraillée entre, d’un côté, la tendance atlantiste incarnée par Thomas Süssli, concrétisée par des échanges réguliers et des exercices communs avec l’OTAN, et de l’autre l’autonomie farouchement défendue par l’UDC, qui veut une armée souveraine, notamment aux frontières pour contenir «l’immigration incontrôlée», la Suisse ne sait plus à quel saint se vouer. Qu’une conseillère fédérale libérale – Karin Keller-Sutter – trouve du bon dans le discours réactionnaire du vice-président étasunien, J.D. Vance, ajoute encore à la confusion.
La gauche, les Vert·es et le Groupe pour une Suisse sans armée réclament un moratoire sur les dépenses. A quoi bon flamber les milliards quand on ignore pourquoi exactement? La demande relève du bon sens. Une pause pourrait permettre de refixer les priorités. A savoir qu’investir dans la transition énergétique, la prévoyance sociale, la formation, la presse et la culture constitue l’assurance-vie la plus sûre, et concrète. L’exact inverse des options promues par le Conseil fédéral.