Édito

Multinationales: un premier pas

Multinationales: un premier pas
Acceptée par le peuple, la première initiative avait échoué à atteindre la double majorité en novembre 2020. KEYSTONE
Multinationales responsables

Ce mardi, une nouvelle initiative pour des multinationales responsables a été lancée, près de cinq ans après la mobilisation mémorable de la société civile pour une réglementation contraignante des firmes suisses actives à l’étranger. Acceptée par le peuple, la première initiative avait échoué à atteindre la double majorité en novembre 2020.

Berceau d’innombrables multinationales, la Suisse ferme aujourd’hui encore les yeux sur des violations effrayantes des droits humains commises loin des bureaux feutrés de Genève ou de Zoug. Des populations sont empoisonnées par des métaux lourds, chassées de force de leur village ou réduites à des conditions de travail proches de l’esclavage, sans que les entreprises qui en sont responsables, domiciliées en Suisse, ne soient inquiétées.

Le Conseil fédéral a tout fait pour ne rien faire. Le contre-projet indirect entré en vigueur en réponse à l’initiative rejetée en 2020 est une coquille vide. Il ne prévoit ni sanction ni mécanisme de plainte pour les victimes. La nouvelle initiative lancée par la coalition pour des multinationales responsables est donc plus que nécessaire.

Le contexte a changé, un peu, avec une nouvelle directive européenne qui oblige les Etats membres à serrer la vis. Le laisser-faire de la Suisse ne passe plus. Mais l’initiative n’est pas révolutionnaire. Aux côtés de Caritas qui représentait la société civile ce mardi en conférence de presse, ce sont exclusivement des personnalités de droite et du centre-droit qui ont présenté le texte de l’initiative pour des multinationales responsables. «Je défends cette initiative en tant que libéral», a déclaré Claude Ruey, ancien conseiller d’Etat vaudois. De quoi annoncer la couleur. On devine que le texte de l’initiative, exposé comme «flexible et souple», est le fruit d’un intense compromis entre la société civile et les représentant·es bourgeois·es actif·ves au sein de la coalition.

La volonté de créer une autorité de surveillance et la possibilité pour les personnes lésées de déposer une plainte civile restent de bonnes nouvelles. Il est par contre regrettable que les secteurs à risque, particulièrement le négoce des matières premières, ne soient pas automatiquement couverts par l’initiative lorsqu’ils comptent moins de 1000 collaborateur·rices en Suisse. Il est également étonnant que le texte n’étende pas la responsabilité des entreprises à toute leur chaîne de valeur, contrairement au droit européen.

La nouvelle initiative ne représente pas un progrès décisif en faveur des droits humains, mais un premier pas timide, qui devra être suivi par beaucoup d’autres pour que les souffrances des populations et les désastres environnementaux commis par des entreprises suisses cessent. La lutte devra se poursuivre.

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