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François, un espoir s’est tu

Une première prière publique a eu lieu sur la place Saint-Pierre au Vatican. KEYSTONE
Carnet noir

Le monde catholique, et au-delà, est en deuil. Le pape François est mort lundi, affaibli par des semaines de lutte contre une pneumonie sévère. Les manifestations de tristesse sont à la mesure de l’affection et de la ferveur suscitées par ce pape élu en 2013. A la mesure aussi des espoirs qu’il a fait naître, en particulier à la gauche de l’Eglise qui s’est réjouie des prises de position décidées du pontife argentin contre les logiques d’exploitation du néolibéralisme, contre l’industrie de guerre, pour le respect des migrant·es et pour un cessez-le-feu à Gaza. Alors que l’institution catholique est souvent perçue comme déconnectée des réalités, l’«Eglise pauvre pour les pauvres» voulue par François a donné à l’institution un visage plus moral et aimant – que les révélations d’abus continuent cependant à défigurer. Le pape a procédé à plusieurs nominations de femmes à des postes importants. L’encyclique ‘Laudato si’ (2015) a aussi su appeler ses près de 1,4 milliard de fidèles à une action collective environnementale pour la sauvegarde de la Maison commune.

Malgré ses volontés de réforme, François a aussi déçu. La doctrine a peu évolué sous son règne. Progressiste et traditionnel à la fois, il a tenu des propos offensants sur l’avortement ou l’homosexualité. Les profondes divergences de vues au sein de l’Eglise lui ont aussi lié les mains – avec ou sans son accord: la question du rôle des femmes dans l’institution n’a pas trouvé de consensus lors du Synode sur la famille. Le sujet a alors été exfiltré dans une commission qui aura tôt fait d’être dissoute. Sous son pontificat, les fractures internes entre conservateurs et progressistes se sont creusées. La réforme de la Curie, très mal accueillie par certain·es, n’est pas achevée et elle pourrait influencer lourdement l’élection du prochain pape. Pour consolider son héritage et propulser le clergé de pays en développement aux plus hauts rangs de l’institution, Jorge Bergoglio avait récemment procédé à plusieurs nominations importantes. Il aura ainsi choisi plus de 78% des 140 cardinaux «électeurs» qui prendront part au prochain conclave, certains sensibles à son vœu d’une Eglise de terrain et décentrée, d’autres non.

D’ici là, rappelons trois gestes importants posés par le pape François. Lors du Synode sur la famille, les baptisé·es ont été consulté·es pour la première fois, et des hommes et femmes laïques ont pu voter. Cette rupture pourrait être irréversible, quel que soit le successeur élu. La décentralisation, voulue par le pontife argentin, apparaît quant à elle comme un outil important pour maintenir la cohésion d’une Eglise où règne une grande diversité politique et idéologique. Enfin, en s’efforçant de mieux aligner l’institution sur les réalités pastorales du monde entier, François a aussi esquissé une façon de desserrer le carcan doctrinal millénaire, et d’autoriser des évolutions locales à géométrie variable. Cette volonté de proximité et d’attention restera sans doute l’une des grandeurs de ce pontificat.