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L’esprit Charlie, dix ans après

L’esprit Charlie, dix ans après
L'hebdo satirique français Charlie Hebdo a vu sa rédaction décimée par une attaque des frères Kouachi le 7 janvier 2015. KEYSTONE
Attentats en France

Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski, Bernard Maris. N’oublions pas leurs noms. Abattus froidement par les frères Kouachi, ce funeste 7 janvier 2015, les dessinateurs et chroniqueurs de Charlie Hebdo plantaient leurs mots et leurs crayons dans les flancs de l’actu avec une insolence irremplaçable. Les attentats perpétrés dans les locaux de l’hebdo satirique et dans un magasin Hypercacher firent 17 morts au total.

La satire n’existe pas dans une bulle, hors des convulsions du monde qui fournissent la matière première des caricatures et des éditos au vitriol. C’est l’un des enseignements d’un massacre odieux, mais pas inexplicable. Il s’inscrit dans une séquence ouverte par la publication des caricatures de Mahomet dans un quotidien danois, en 2005, reprises ensuite par Charlie Hebdo. Un «Manifeste des douze» sera cosigné par Philippe Val (alors directeur de Charlie), le philosophe et homme d’influence Bernard-Henri Lévy, l’essayiste Caroline Fourest et des figures intellectuelles issues y compris du monde arabo-musulman. La plupart ayant en commun une essentialisation négative de l’islam et accréditant la thèse, en vogue depuis le 11 Septembre 2001, du «choc des civilisations».

Exit les facteurs économiques et sociaux, le rôle et les persistances du fait colonial, la religion comme valeur refuge et la radicalisation comme un phénomène multifactoriel, prenant des formes plus ou moins politiques ou opportunistes, voire crapuleuses. Aujourd’hui, la crainte du «grand remplacement» se substitue largement à l’examen critique des déséquilibres mondiaux, dans un débat public en plein confusionnisme.

Qu’avons-nous appris du 7 janvier 2015? Au fond, pas grand-chose. A l’époque, les grandes marches républicaines se réclamaient d’un «esprit Charlie» aux contours flous. A l’émotion populaire se mêlait l’image du président François Hollande, bras dessus bras dessous avec Benjamin Netanyahou, en pleine opération communication.

Dix ans plus tard, le premier ministre israélien décrit l’anéantissement de Gaza comme «une guerre de civilisation contre la barbarie» 1>Entretien sur CNews, 23 octobre 2024., tandis que l’ex-président français distingue les victimes israéliennes du terrorisme, représentantes «de notre mode de vie», de celles, palestiniennes, relevant «de la guerre»2>France Info, 7 février 2024.. Une hiérarchisation bien éloignée de l’humanisme universaliste de Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski et Bernard Maris.

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