Édito

Une révolution dans l’impasse

Une révolution dans l’impasse
On attend toujours les résultats détaillés du scrutin du 28 juillet qui donnait 52% des voix au président sortant Nicolás Maduro. KEYSTONE
Venezuela

Au Venezuela, on attend toujours les résultats détaillés du scrutin du 28 juillet. Nicolás Maduro, le président sortant socialiste, a-t-il obtenu près de 52% des voix comme l’a annoncé le Conseil national électoral? Le doute n’est pas porté seulement par la féroce opposition d’extrême droite dans le pays, mais également par nombre de secteurs progressistes dans le monde et par les gouvernements de gauche de Colombie, du Mexique et du Brésil, qui ont réclamé la publication des actes. A gauche, en particulier en Europe, certains dénoncent aussi la répression, qui aurait fait 25 morts et plus d’un millier d’arrestations, dont des journalistes.

Tout ce monde se fait-il mener par le petit bout du nez par la propagande d’une extrême droite putschiste, appuyée par l’impérialisme étasunien et occidental, comme le suggèrent certains commentateurs? Ce n’est pas si simple. Il faut certes reconnaître que l’on n’a pas affaire, du côté de la rue et de la contestation, à un mouvement populaire et démocratique classique. Nombre de groupuscules derrière certaines protestations, alliés aux opposants Edmundo Gonzalez Urrutia et Maria Corina Machado, sont violents, armés, appellent au coup d’Etat, ont commis des assassinats et reçoivent des financements directement de Washington. Les mouvements sociaux brésiliens l’ont rappelé dans une lettre sur le Venezuela adressée à leur président Lula: «Nous avons assisté à la vague de violence systématique de groupes dirigés par l’extrême droite dont l’objectif est de déstabiliser le pays – comme l’a fait ici le bolsonarisme [référence à l’ex-président Bolsonaro] –, provoquant des troubles extrêmement violents, brûlant tout, des hôpitaux aux écoles, assassinant plusieurs militants du PSUV (principal parti chaviste) et des organisations communautaires, entre autres». C’est dans ce contexte qu’une partie de la réponse répressive des forces de l’ordre doit être mise en perspective, sans être pour autant justifiée.

Reste que la non-publication des actes électoraux par le gouvernement Maduro n’est pas un gage de confiance. Le fait qu’il ait refusé en 2015 de négocier avec l’opposition, en vue d’une éventuelle cohabitation, alors que celle-ci avait largement remporté les élections législatives, n’était pas non plus un signe d’ouverture démocratique. Au-delà, la grave crise économique, sociale et humanitaire provoquée notamment par l’effondrement des cours du pétrole conjugué aux décisives et cruelles sanctions étasuniennes, a mené à l’impasse dans laquelle se trouve la «révolution bolivarienne».

La réduction drastique de la pauvreté et des inégalités et les avancées sociales colossales obtenues dans les années 2000 grâce à la ténacité d’Hugo Chavez sont presque un lointain souvenir. Il ne fait pas bon vivre au Venezuela pour les plus modestes depuis près de quinze ans et aucune solution n’est en vue dans un système gangrené par la corruption et les petits arrangements de l’élite. Ce qui pose la question: s’accrocher au pouvoir, pour quoi faire?

Opinions Édito Christophe Koessler Venezuela

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