Édito

Trump piégé?

TRUMP PIÉGÉ?
EPA/MIRAFLORES PRESIDENTIAL PALACE
Venezuela

Donald Trump n’est pas seulement le plus impulsif, il est aussi probablement le plus mal entouré des présidents des Etats-Unis depuis des décennies. Comment son Administration a-t-elle pu permettre la désastreuse «Opération Gedeón», qui a vu dimanche et lundi une poignée d’ex-militaires vénézuéliens et étasuniens échouer à pénétrer par la mer les frontières du Venezuela?

L’opération, revendiquée par le patron de la société de mercenariat Silvercorp USA, Jordan Goudreau, un ex-béret vert étasunien, s’est soldée par la mort de huit assaillants et quinze arrestations. L’action qui mobiliserait dans sa globalité une soixantaine d’hommes, selon son organisateur, serait donc toujours en cours. Il resterait une trentaine de soldats embusqués ou prêts à débarquer pour faire basculer un pays de 30 millions d’habitants, surveillé par des dizaines de milliers de militaires et de miliciens… Car visiblement les colonnes d’insurgés internes, sans doute promises par l’opposant Juan Guaido et le général dissident Cliver Alcala, ne sont jamais entrées en action!

L’affaire prend encore plus de saveur si l’on sait que M. Goudreau et sa société de sécurité ont assuré en 2018 la protection du président des Etats-Unis. Pas n’importe quel illuminé, donc. A qui on avait même confié la sécurité, en février 2019, du show entourant l’aide «humanitaire» étasunienne qui devait pénétrer au Venezuela depuis la Colombie.

Aujourd’hui, M. Goudreau revendique un mandat et une promesse de financement de M. Guaidó, niés par ce dernier. J.J. Rendón, l’un de ses hommes clé à Miami, a toutefois admis hier des contacts et même un versement. Autant de faits que ne pouvait ignorer Washington, d’autant que les fonds à disposition de M. Guaidó proviennent des saisies sur les avoirs vénézuéliens aux Etats-Unis.

Du côté de Caracas, on pointe aussi la Colombie voisine, qui aurait fourni la base arrière à une opération coordonnée par la DEA, l’agence antidrogue US omniprésente dans ce pays et dont l’un des hommes ferait partie des prisonniers. Pour mémoire, plusieurs navires de guerre des Etats-Unis ont été récemment dépêchés vers les côtes vénézuéliennes, sous prétexte de lutter contre le narcotrafic.

On comprend dès lors mieux pourquoi Washington promet en boucle la chute prochaine de Nicolas Maduro. On ne comprend en revanche pas comment les stratèges de la Maison Blanche peuvent confier leur politique étrangère à de tels aventuriers…

Un an après la lamentable tentative de putsch conduite par M. Guaidó, l’incompétence et l’interventionnisme illégal du président étasunien apparaissent à nouveau crûment. Sauf que cette fois, l’échec a un autre prix que le ridicule infligé à sa marionnette: deux vétérans étasuniens sont entre les mains de Nicolas Maduro. Et Mike Pompeo a d’ores et déjà annoncé que les USA récupéreraient leurs boys «par tous les moyens».

L’avenir dira si ce marchandage permettra la désescalade et le retour à la raison ou s’il offrira un prétexte à une nouvelle agression.

Opinions International Édito Benito Perez Venezuela États-Unis

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