Unité ou sommeil de la raison
Les résultats des élections européennes de dimanche voient une poussée de la droite extrême dans la plupart des pays de l’Union européenne. En Allemagne, l’Alternative für Deutschland, qui surfe sur des thèses néonazies, devient le deuxième parti, devant les sociaux-démocrates du SPD. En France, le Rassemblement national et Reconquête, la formation d’Eric Zemmour et de Marion Maréchal, pèsent 35 sièges sur 81 qui concernent l’Hexagone. Et se retrouvent loin devant les Macronistes ou les Républicains.
Peu après les premiers résultats, le président français, Emmanuel Macron, a pris tout le monde de court en dissolvant l’Assemblée nationale. Des élections anticipées auront lieu d’ici à la fin du mois. Avec peut-être une volonté double. Le locataire de l’Elysée tente-t-il un coup de poker en espérant une nouvelle fois jouer la carte du rempart contre l’extrême droite? Au vu de l’effondrement de son parti, cela semble tout de même casse-cou.
Sans doute qu’une seconde option reste ouverte. Laisser l’extrême droite se brûler les ailes dans une cohabitation avec Jordan Bardella à Matignon et où elle ne sera plus dans la zone de confort de l’opposition. Mais, là aussi, le pari est plus que risqué. D’une part, parce que la capacité de nuisance et le danger de l’extrême droite sont énormes. Les plus faibles – et notamment les immigré·es qui servent depuis des lustres de boucs émissaires – ont du souci à se faire. Des législations liberticides peuvent être passées. Et pire, plaire et ouvrir la voie à une poursuite de l’expérience. Et, d’autre part, c’est jouer avec le feu: le passé nous rappelle que l’extrême droite, même parvenue au pouvoir par les urnes, voit vite son fond autoritaire et antidémocratique prendre le dessus.
C’est la démocratie qu’Emmanuel Macron prend en otage. On est en fin de cycle du néolibéralisme triomphant. Le patronat peut s’accommoder d’un régime d’extrême droite; les travailleuses et les travailleurs, non. Il ne reste plus qu’à espérer – et à œuvrer pour – que ce sommeil de la raison n’engendre pas un nouveau monstre.
Cela suppose une réponse politique à la hauteur des enjeux. A savoir la capacité de la gauche à fonctionner dans une logique unitaire, là où chacun a cherché à compter ses troupes. En clair: la dynamique prometteuse enclenchée par la Nupes doit être relancée pour offrir des perspectives politiques à même de parler aux classes populaires.
Pour l’heure, ce n’est pas gagné. Dimanche soir, on entendait le chef de file de la liste PS, Raphaël Glucksman, prôner l’Alleingang sous les huées de sa base qui scandait au contraire «unité, unité». Espérons que ces voix de la raison seront entendues. A défaut, la politique française dans son incarnation progressiste prendra des allures de Radeau de la Méduse.