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Il y a du chichi à se faire

Vital Gerber estime que la dénomination «Grand Chasseral» traduit une vision essentiellement économique.
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En ce matin de pluie, je t’écris, à toi qui ne viens pas d’ici. Comme moi, tu te demandes peut-être ce qu’est ce «Grand Chasseral»?

C’est une marque. Oui: on s’est approprié un nom public, on en a fait une marque, et ensuite on a dit que tout le monde devrait s’approprier la marque. Du marketing. Comme partout. Tout le monde disait qu’il était grand temps qu’on fasse comme tout le monde.

Tu te demandes peut-être à quoi ça fait allusion? Au Grand Genève? Pour cette agglomération transfrontalière, la population avait été impliquée dans la démarche en choisissant le nom. Ici, on ne nous a pas demandé notre avis. On nous a mis devant le fait accompli, et depuis on nous explique régulièrement que ça permet «l’adhésion de chacun·e». Il ne faut pas faire de chichi.

Il est vrai que des appellations comme «Grand St-Imier», «Grand Valbirse» ou «Grand Tramelan» auraient frisé le ridicule. Alors, une grande antenne et sa forme «au mouvement ascendant» (sic), tu imagines, c’est une aubaine. Symboliquement… inutile de chercher trop loin. Ce qui compte, ce n’est pas le rapport à l’histoire et à la culture, c’est la primauté du logo et du slogan. Comme partout.

Pour le moment et pour ma part, je n’habite pas dans une marque. Alors qu’en penses-tu: quand un journal utilise un nom de marque pour désigner la région, est-ce de l’information ou du marketing? Ou un mélange des deux, sans chichi mais pas très précis?

Ne t’y trompe pas: le Chasseral, le vrai, je l’aime bien, et je me réjouis de dynamiques positives pour la région. La marque «Grand Chasseral», j’ignore ce qu’il en adviendra; mais je maintiens qu’elle traduit une vision essentiellement économique. Je ne lui conteste pas le droit de s’exprimer; par contre, je la contesterai fermement chaque fois qu’elle prétendra représenter la totalité du réel.

Car cette région a aussi d’autres visages. Elle a toujours été un lieu «à cheval», entre Bienne, Delémont, La Chaux-de-Fonds et le Jura français. Un lieu de traverses, qui l’a mise dans l’impossibilité de s’affaisser dans une identité fermée. Une terre d’accueil, d’idées parfois nouvelles, pas comme tout le monde.

Je passerai peut-être pour un esprit chagrin. Peu importe: je trouve que la pluie aussi est jolie sur ce coin de pays. Alors, toi qui viens d’ailleurs, si jamais tu passes par ici, n’hésite pas à faire des chichis: ça nous fera du bien.

Vital Gerber, Tramelan (BE)

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