On nous écrit

«L’importance du droit international»

Pierre-Alain Wassmer revient sur l’analyse de Benoît Bréville, historien et directeur de la rédaction du Monde diplomatique, invité de la page Contrechamp dans notre édition du 29 avril. Point de vue.
Ukraine

Benoît Bréville nous affirme – à raison – qu’on ne peut pas coller un épisode historique sur la situation actuelle, comme celui des Accords de Munich sur le conflit en Ukraine, chaque moment étant singulier avec de grandes différences avec les périodes passées. Effectivement comme dit le dicton: «Comparaison n’est pas raison.» Ce qui ne nous empêche pas de tirer des parallèles, ce qu’on peut appeler les leçons de l’histoire, les «plus jamais ça», et notre auteur – historien lui-même – ne s’en prive pas, notamment à propos de l’aventurisme américain en Corée (aveuglés par leurs succès, les militaires US s’enfoncent davantage dans le pays, provocant leur propre défaite). Cette comparaison est peu pertinente pour l’Ukraine qui est sur son propre territoire et pourrait s’appliquer bien davantage à l’armée russe qui, après s’en être prise à la Tchétchénie puis à la Géorgie, a voulu pratiquer la même recette militariste à l’Ukraine.

De plus, quand il fait référence aux déclarations d’un directeur de la CIA parlant des «intérêts vitaux» de la Russie, il omet de dire que ce sont des intérêts de puissance impérialiste, similaires à ceux des Américains, tout comme il ne parle pas des «intérêts vitaux» des (plus) petits pays, tels la Pologne, les pays baltes, etc., de s’extraire de la domination de Moscou. Le fait qu’ils aient choisi l’OTAN pour leur sécurité ne doit pas faire oublier que cela reste leur choix démocratique, plus démocratique en tous cas que la décision du Kremlin d’envahir l’Ukraine.

Les termes utilisés sont eux-mêmes biaisés, car quand on dit qu’un manichéisme caricatural justifie une «intervention militaire» (sous-entendu des Occidentaux), on oublie que l’Ukraine ne fait que défendre ses frontières reconnues, et les autres pays la soutenir. Il ne s’agit donc pas ici d’une «intervention militaire» ni d’une «opération spéciale», mais bien de légitime défense et du respect du droit international, concept gravement absent de cet article qui ressemble davantage à une opération spéciale de relativisation de l’agression russe. Le fait que ce même droit international soit bafoué ailleurs dans le monde ne doit pas nous détourner de la possibilité que les conflits puissent se résoudre par le droit plutôt que par la force. Et la force – par exemple les Casques bleus de l’ONU – peut défendre le droit international et la paix plutôt que les ambitions impérialistes des uns ou des autres.

N’oublions pas que pour que des négociations arrivent à une paix durable, il faudra des garanties autrement plus solides que celles données par le «format Normandie» (le groupe France, Allemagne, Russie et Ukraine) ou la seule présence de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), comme cela a été le cas dans le Donbass après 2014, à la suite de la première invasion russe.

Comme pour le conflit à Gaza, et malgré des circonstances très différentes, ce n’est pas seulement un cessez-le-feu temporaire qui est attendu, mais bien une solution de paix durable. C’est peut-être ce qu’on peut appeler une leçon de l’histoire.

Pierre-Alain Wassmer,

Sociologue, Conches (GE)

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