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Vagues de chaleur hors norme en Afrique

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Sur sa page Facebook, l’écrivain tchadien Sosthène Mbernodji poste régulièrement des photos de la page météo de la capitale N’Djamena où il réside. Le 26 avril, on apprenait ainsi qu’il y faisait 46 degrés. Son commentaire: «N’Djamena actuellement, pas loin d’un four ou d’un crematorium». Le lendemain, à 14h47, la température avait encore augmenté d’un degré dans la capitale tchadienne. Les réseaux sociaux sont émaillés de commentaires qui racontent, au jour le jour, cette descente aux enfers climatique. Y compris le renoncement, pour celles et ceux qui bénéficient chez eux de la climatisation, à mettre son nez dehors et affronter la fournaise.

Tchad, Burkina Faso, Mali, Ghana, Côte d’Ivoire, Zambie, Soudan, République démocratique du Congo, Afrique du Sud, Niger… La liste des pays africains où le mercure a frôlé ou dépassé les 45 degrés durant les premiers mois de 2024 est longue. Un premier trimestre infernal, avec des records enregistrés un peu partout. Ainsi, une moyenne de 40 degrés depuis le mois de janvier enregistrée à Abidjan, c’est totalement inhabituel. On y suffoque à longueur de temps, y compris la nuit où la température ne redescend guère. Dormir à la belle étoile, dans sa cour ou sur le toit, ne sert plus à grand chose.

Les climatiseurs tournent à fond ou, à défaut, les ventilateurs et autres «brasseurs», qui augmentent la pression sur des réseaux électriques à la peine. Avec leur corollaire: des périodes de délestage, de coupures de courant qui impactent durement la vie quotidienne, à moins qu’un groupe électrogène privé ne prenne aussitôt le relais. Lorsque coupures d’électricité et coupures d’eau se rejoignent, la vie quotidienne devient carrément intenable. Des scénarios identiques se retrouvent dans la plupart des capitales surpeuplées, concentrés de béton où les espaces verts se font de plus en plus rares, avec un trafic routier intense, des véhicules très polluants – le tout contribuant à transformer ces mégalopoles en véritables fours.

Qu’il fasse chaud sur le continent africain, rien d’étonnant à cela, certes. Mais quand les records de chaleur se multiplient, que de tels niveaux de température n’ont jamais été enregistrés auparavant, voilà qui a de quoi inquiéter. Les vagues de chaleur qui étaient auparavant exceptionnelles ont tendance à devenir la norme.

Parmi les causes, figure sans aucun doute le réchauffement climatique, qui impacte fortement le continent africain. Tout comme le phénomène El Nino, cette remontée d’eau chaude dans le Pacifique qui a des répercussions sur les conditions météorologiques de nombreuses régions.

Les chercheurs du groupe World Weather Attribution (WWA) voient surtout les conséquences de notre utilisation depuis des années des énergies fossiles – pétrole, gaz, charbon – et d’une déforestation massive pour expliquer les chaleurs record enregistrées ces derniers mois. L’énorme quantité de gaz à effet de serre (GES) contenue dans l’atmosphère fait craindre un emballement hors de contrôle. Des experts redoutent de voir la planète plonger «en territoire inconnu» si les températures ne se stabilisent pas rapidement.

Jusqu’à quel degré de température le «vivant» peut-il résister? Dans la capitale du Mali, à Bamako, l’hôpital Gabriel Touré a déclaré avoir enregistré une centaine de décès le mois dernier, en grande partie dus à la chaleur. En Zambie, des centaines d’animaux ont péri. Quant aux cultures, elles accusent le coup. En Côte d’Ivoire, la succession d’une pluviométrie et d’une sécheresse anormales ont fortement impacté les plantations de cacao, dont la relative pénurie a fait exploser les prix. Il semble en tout cas certain que, passé un certain seuil de chaleur humide, la vie devienne impossible. A plus ou moins brève échéance, il faut donc craindre que des régions entières de la planète Terre deviennent invivables et donc inhabitables.

Catherine Morand est journaliste.

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lundi 8 janvier 2018

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