Édito

Enrayer le déclin salarial

Enrayer le déclin salarial
Défilé du 1er mai 2023 à Genève. KEYSTONE
Premier Mai

C’est inédit depuis la Seconde Guerre mondiale. En 2023, les salaires réels ont diminué pour la troisième année consécutive en Suisse, indique l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Pis. Les chiffres de l’OFS donnent une vision enjolivée de la réalité. Ils ne prennent pas en compte la hausse fulgurante des primes d’assurance-maladie – +105% en vingt ans – et sous-estiment le poids des loyers pour les bas et moyens revenus. En réalité, des centaines de milliers de salarié·es ont subi une baisse notable de leur pouvoir d’achat au cours de la dernière période. Et ce, dans un contexte social tendu: en 2022, 1,34 million de personnes se trouvaient déjà dans une situation financière précaire.

Dans les étages supérieurs de la pyramide sociale, en revanche, on se frotte les mains. Les actionnaires des entreprises cotées à la bourse suisse, recensées par l’indice Swiss performance index (SPI), s’apprêtent à recevoir une pluie de dividendes – 64 milliards de francs. Un record historique, en hausse de 6% par rapport à l’année précédente1>NZZ, 10 février 2024.. Et, selon l’enquête menée par l’Union syndicale suisse (USS), notre pays comptait, en 2021, 4120 personnes touchant un revenu supérieur au million de francs. Leur nombre a doublé en vingt ans.

La Suisse n’échappe donc pas au spectaculaire accroissement des inégalités observé à l’échelle mondiale – le fruit d’un capitalisme néolibéral qui tente de défaire tous les garde-fous posés par le mouvement ouvrier après 1945. Les premières victimes de cette tendance sont celles et ceux qui n’ont pas voix au chapitre: les salarié·es immigré·es qui réalisent les boulots les plus durs, touchent les revenus les plus bas – et, comble du mépris, sont désigné·es par la droite comme les boucs émissaires de tous les problèmes sociaux.

Dans ce contexte, les syndicats organisent un 1er Mai sous le signe d’une double lutte: contre le renchérissement des primes maladie et pour la hausse des salaires.

Sur le premier objet, l’USS mène campagne en faveur de l’initiative visant à limiter les primes. Une exigence légitime, car ce texte amènerait une amélioration concrète pour des centaines de milliers de familles – et constituerait un signal important après l’acceptation de la 13e rente AVS.

La bataille pour les salaires, en revanche, ne se joue pas dans les urnes. Son issue dépendra de la capacité de mobilisation sur les lieux de travail. Or cette dernière reste limitée par deux handicaps majeurs: l’absence de protection sérieuse face aux licenciements antisyndicaux ainsi qu’une longue tradition de paix du travail. Pour enrayer le déclin des revenus du travail, il faudra s’attaquer à ces deux chantiers et repenser les luttes sociales. La manifestation nationale de septembre annoncée par l’USS pourrait constituer une étape dans ce sens.

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