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Une comparaison simplificatrice

Revenant sur la chronique de Pascal Holenweg, «L’antisémite, c’est pas moi, c’est l’autre», parue dans notre édition du 14 mars, Muriel Bros estime que la mise en parallèle entre le sionisme et le nationalisme palestinien opérée par l’auteur est réductrice car elle omet la question de la politique de colonisation israélienne.
Réaction

La chronique de Pascal Holenweg, qui postule que le sionisme est un simple nationalisme né au XIXe siècle et qui conclut en mettant sur pied d’égalité le nationalisme palestinien et le sionisme est problématique à plus d’un titre. D’une part, M. Holenweg reproche, à juste titre, à la CICAD de créer la confusion en assimilant antisionisme et antisémitisme. Il n’aborde cependant pas la diversité des positions chrétiennes et/ou européennes sur le sionisme, qui existe et mérite d’être relevée. M. Holenweg ne dit rien de la collusion entre sionisme et antisémitisme, décrite dès le XIXe siècle. On trouve pourtant de nombreux exemples de personnes profondément antisémites ayant soutenu dès ses débuts et soutenant encore le projet sioniste pour que les juifs aillent vivre «ailleurs que chez nous».

D’autre part, invisibiliser les liens forts entre le sionisme et le colonialisme permet à M. Holenweg de mettre sur le même plan le nationalisme palestinien et le nationalisme israélien, et d’arguer que le problème c’est le nationalisme. Le sionisme, effectivement décrit comme une idéologie nationaliste sur Wikipedia, a aussi été analysé comme une idéologie colonialiste. Les théoriciens fondateurs du sionisme dans l’Europe du XIXe siècle assumaient le caractère colonialiste de leur projet. Simplifier cette histoire me paraît dangereux: l’antisionisme n’est pas «qu’une opposition à un projet politique nationaliste», c’est surtout une lutte contre le colonialisme. Or, la Palestine n’est pas un Etat colonial et il n’y a pas de contradiction à soutenir l’Etat palestinien tout en dénonçant la politique colonialiste et de l’Occident et de l’Etat d’Israël.

Enfin, qualifier les attentats du 7 octobre de pogrom, un terme qui rappelle la culpabilité de l’Europe dans le génocide des juifs tout en transférant cette culpabilité sur le Hamas, est tendancieux. User ensuite du terme «ratonnade» relève d’une technique d’invisibilisation du génocide en cours, génocide qui n’est mentionné à aucun moment dans «L’impoligraphe» du 14 mars.

Or, la Cour internationale de justice n’a pas évoqué un risque de «ratonnade» à Gaza, mais bien un risque de génocide. Le choix des termes et l’usage de métaphores permet ici la construction en filigrane d’un discours délégitimant les messages portés par les manifestations de soutien à la Palestine et niant le droit à l’existence d’un Etat palestinien.

Précision

Précision de Pascal Holenweg: Le colonialisme et le nationalisme vont évidemment de pair. Ce qui permet de justifier la colonisation de la Palestine, c’est bien un projet nationaliste: le sionisme. A combattre non parce qu’il est «juif», mais parce qu’il est nationaliste. PH

Muriel Bros est sage-femme et étudiante en études genre, Genève.

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