«Un combat à mille lieues de la lutte contre l’antisémitisme»
Des militants antiracistes promeuvent des espaces «apartheid free zone»1>Lire R. Mounir, «Le rejet de l’apartheid israélien assimilé au nazisme», Le Courrier du 31 janvier 2024.. Quoi de plus sensé du point de vue de la lutte contre le racisme? Pourtant, certains soupçonnent de l’antisémitisme dans ce slogan. Et la Cicad (Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation), pour ne pas la nommer, en la personne de son leader Johanne Gurfinkiel, de produire et diffuser ce contre-slogan: «La Cicad n’acceptera pas de zone judenrein à Genève.»
Quel en est au juste le raisonnement? Ah, oui, j’y suis: Israël est accusé, à raison, de pratiquer un apartheid d’Etat massif, et c’est effectivement contre la tentation de copier l’apartheid à l’israélienne, copié-collé de celui de l’Afrique du Sud d’il y a quelques décennies, qu’a été punché le slogan. Or, Israël, devons-nous comprendre, c’est la judéité en son essence – le leader cicadien n’hésite pas, en effet, à affirmer «l’antisémitisme et l’antisionisme, c’est la même chose». Ergo, les auteurs du slogan «apartheid free zone» sont des antisémites, c’est-à-dire des nazis à enfermer sans délai. Ergo, les vrais nazis, c’est les critiques de l’apartheid – selon la fameuse logique que les vrais racistes, c’est les antiracistes.
Suite logique de ce raisonnement: la loi doit protéger l’apartheid puisque celui-ci est constitutif du sionisme et que toute critique de celui-ci est ipso facto nazie. Bref, nos cicadiens voudraient nous faire avaler que l’on devrait chanter les louanges de l’apartheid, c’est-à-dire du principe de la discrimination à raison de la race, de l’ethnie, de la religion ou d’autre chose encore. Et cela, par l’arme imparable du chantage à la menace d’accusation d’antisémitisme – dont on connaît suffisamment la redoutable puissance à discréditer. Que ce type de menace ose seulement s’avancer dans l’espace public est la preuve d’un effondrement du sens commun. La Cicad, avec une telle campagne, démontre qu’elle en est venue à se confondre avec une machine de guerre pour lutter contre toutes les formes de critique adressées à des entités juives, au prétexte suffisant qu’elles sont juives. Ce que revendique, implicitement, la Cicad par cette action, c’est que les organisations juives, parce que juives, bénéficient de l’impunité généralisée de leurs paroles et de leurs actes. Elles réclament pour elles le privilège d’impunité dont jouit Israël à l’échelle de la communauté internationale. Rien que ça…
Je ne suis ni juriste, ni avocat. Mais tout de même, je me demande si on ne devrait pas avoir le droit de porter plainte contre pareille déclaration, défense sans retenue du droit de discriminer (les minorités, etc.). Et qui constitue du même coup, une attaque frontale contre l’Etat de droit, dont le principe-germe, rappelons-le au passage, est celui de l’égalité dans et devant la loi. Oser prendre la défense du principe de discrimination à raison de ceci ou de cela est une prétention inouïe et insupportable. Or, c’est exactement la portée de leur contre-slogan: apologie pure et simple du racisme d’Etat institutionnalisé dès lors que son auteur est «l’Etat du peuple juif». Et s’abriter pour le faire derrière la dénonciation d’un prétendu antisémitisme du slogan ciblé est pure mauvaise foi et calomnie. Révoltant. Ignoble. Scandaleux.
Les associations ciblées devraient porter plainte pour calomnie et diffamation. Et la Cicad être interdite pour détournement-dévoiement des principes de sa fondation: un tel combat est à mille lieues de la lutte contre l’antisémitisme.
Notes