On nous écrit

Propos ambigus

Sylvain De Pury commente un article paru dans notre édition du 6 juin sur le Nicaragua.
Nicaragua

Je réagis au discours plus qu’ambigu de M. Jorge Fley Rocha à qui vous donnez la parole dans la page «Solidarité» de votre édition du 6 juin dernier. Bien sûr, sous beaucoup d’aspects, il peut attirer l’intérêt de vos lecteurs. Sa référence à l’anarchisme n’est peut-être pas la plus judicieuse, même si je la trouve plutôt sympathique à titre personnel, pour rechercher des soutiens moraux et surtout financiers. Evidemment, la description de la crise de l’habitat dans un pays aussi pauvre aura ému vos lecteurs. Son insistance sur la nécessité de financements va clairement dans ce sens. Mais il oublie un détail récent: la nouvelle loi qui interdit désormais tout financement étranger des ONG dans ce pays.

C’est là qu’apparaît noir sur blanc l’ambiguïté des mots de M. Fley. A aucun moment il ne parle du contexte dans lequel vit le Nicaragua d’aujourd’hui. Ladite loi, comme tant d’autres depuis 2018, a été faite sur mesure par un parlement aux ordres d’un exécutif qui a mis ainsi en application notamment l’interdiction, l’expulsion du pays des responsables de quelque 3300 ONG, dont les biens ont été saisis. La résolution du Parlement européen du 15 juin dernier sur la situation au Nicaragua confirme ce chiffre et donne un bon résumé de la situation des droits humains dans le pays.

Sans mentionner ce fait et comme pour justifier son originalité, M. Fley affirme «vouloir remplir le vide» laissé par les autorités dans le domaine du logement des plus pauvres. Mais il le fait trop bien, en cédant à la mode des fake news. il affirme: «Si de nombreux mouvements sociaux défendent les droits humains, les paysans, les femmes, et la culture au Nicaragua, rien ou presque n’existait dans le domaine du logement.» Au mieux, ce premier verbe, au temps présent, parle d’un passé oublié.

Qu’en disent les bénéficiaires de ces œuvres? Ils n’ont pas la parole et il ne reste aucun média libre dans le pays. Où sont passés les sièges de ces mouvements sociaux? Où sont les responsables? Ils ont été emprisonnés et/ou exilés, privés de leur nationalité nicaraguayenne et de leurs titres universitaires ou du droit d’exercer leur profession.

C’est là aussi qu’apparaît un autre problème résultant de cette ambiguïté: M. Fley se vante de l’aval de la FGC (Fédération genevoise de coopération) et de la Fedevaco qui, en Suisse, sont des références sérieuses. Il est inconcevable qu’elles aient appuyé des projets dans les conditions actuelles, soit après le 18 avril 2018 et la rébellion populaire qui a suivi, et après le vol organisé des biens des ONG.

Notre presse suisse est encore libre et il serait bon que ces fédérations prennent la parole.

Sylvain De Pury, Genève

RÉPONSE DE LA FGC ET DE LA FEDEVACO

Au service des populations vulnérables

Dans son courrier des lecteurs sur l’article publié par Le Courrier du 6 juin, titré «L’habitat au cœur du changement», Monsieur Sylvain de Pury interpelle la FGC et la Fedevaco sur leur appui à un projet de coopérative d’habitation pour les populations vulnérables, au Nicaragua. Financé notamment par ces deux fédérations cantonales, ce projet est soutenu par l’une de leurs organisations membres, urbaMonde, en partenariat sur le terrain avec la coopérative Multipro.

Rappelons d’abord l’esprit dans lequel travaillent les fédérations. Pour elles, le développement est d’abord l’affaire des populations du Sud global, auxquelles la coopération apporte un soutien et un appui pour évoluer vers les objectifs partagés. Les projets s’inscrivent dans une volonté de participation, de pérennisation et de construction d’un avenir meilleur, à travers notamment le droit au logement. Tous les projets sont coconstruits avec des partenaires de terrain, des organisations de la société civile fortement ancrées dans le contexte local, leur permettant de proposer des réponses adaptées aux besoins des populations.

Venons-en ensuite aux points soulevés dans la lettre, relatifs à la situation au Nicaragua. Il n’est pas exact que tout financement des ONG de la part de l’étranger est interdit et que l’ensemble des responsables de ces organisations sont expulsés:

– La loi sur les agents étrangers de 2020 fixe les normes administratives à respecter pour les organisations qui reçoivent des financements de l’étranger. Ces financements ne sont pas interdits, mais font l’objet d’un contrôle très strict.

– En tant qu’organisme recevant des fonds de l’étranger, Multipro respecte les normes et procédures de la loi sur les agents étrangers.

– Multipro est une coopérative de services multiples soumise à la loi sur les coopératives.

Enfin, dans une situation complexe et contradictoire, comme le montrent les deux articles publiés le 6 juin et le 4 juillet, poursuivre le soutien à des projets qui renforcent directement l’autonomie des organisations communautaires locales est essentiel. Ce sont des processus de cohésion et de développement social qui répondent aux aspirations fréquemment exprimées par les secteurs les plus défavorisés, au Nicaragua comme dans de nombreux autres pays.

Ainsi, fidèles à leur mission, la FGC et la Fedevaco resteront au service des populations vulnérables en travaillant avec des partenaires locaux reconnus de la société civile de pays dits fragiles ou sous régime autoritaire. Conscientes des difficultés, elles restent extrêmement attentives à la marge de manœuvre de leurs partenaires pour mener à bien des projets pertinents et nécessaires.

Catherine Schümperli Younossian,
secrétaire générale de la FGC

Alexandre Cavin,
secrétaire général de la Fedevaco

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