Après le tribunal, le pavé
On aura connu des jours meilleurs en matière de lutte contre les violences sexuelles. Hier à Genève, Tariq Ramadan, qui comparaissait pour viol et contrainte sexuelle, a été acquitté. Certes, on ne peut pas reprocher son verdict à la justice, car une application rigoureuse du droit veut qu’en l’absence de preuves matérielles, le doute profite à l’accusé. Dans cette affaire, c’est bien ce principe qui a primé.
Ce que l’on peut toutefois reprocher à la justice, c’est son attitude. Car sur les longues heures d’audiences, durant lesquelles la plaignante a raconté son douloureux vécu, les juges n’ont cessé de la torpiller, peut-être animé·es par la crainte de l’erreur judiciaire dans un procès hautement médiatisé.
Mais l’expression de cette crainte a des limites, comme celle de crier «silence!» à une plaignante lorsqu’elle raconte un viol. Une interruption d’autant plus indécente que le prévenu, lui, n’a pas été recadré une seule fois durant ses longues et pétulantes tirades. De quoi dissuader bon nombre de victimes – souvent déjà traumatisées – de s’en remettre à la justice.
D’autant plus qu’un viol, qui se déroule toujours à huis clos et implique rarement des témoins directs, se joue la plupart du temps parole contre parole. Laissant la justice et son bénéfice du doute, par ailleurs salutaire, dans une impasse. A cet égard, le procès Ramadan fut un cas d’école.
Remarquons dès lors que ce n’est pas de l’institution judiciaire qu’émanera le vrai changement. A quelques semaines de la grève féministe du 14 juin, il est nécessaire de rappeler que la rue détient plus de pouvoir. Car c’est par une mobilisation forte, et un travail de sensibilisation sans relâche qu’adviendra un monde plus courageux.
Une société qui, plutôt que de s’exaspérer qu’une victime de viol, par peur, par honte ou par sidération ne dise pas non demandera au bourreau pourquoi il ne s’est jamais assuré d’un «oui».