Silence imposé à «Brisons le silence»
Jusqu’il y a une vingtaine d’années, on disait d’Israël que ce n’était pas un Etat qui avait une armée, mais une armée qui avait un Etat. Ce n’est plus le cas: le high-tech est aujourd’hui le secteur dominant, celui qui donne le ton. Ce changement structurel a des répercutions directes sur les mouvements d’opposition: la «réforme régimaire» entreprise par l’extrême droite, qui vise à neutraliser le rôle de la Cour suprême et à donner un pouvoir illimité à la majorité parlementaire, se heurte à une forte opposition de la part de ce qui est aujourd’hui la locomotive de l’économie israélienne et de ses indéniables performances.
D’où la perte d’impact des «refuzniks», ces soldats, appelés et réservistes, qui refusent de servir dans les territoires occupés: l’armée se montre prête à négocier leur dispense de service militaire, à condition que cela se fasse d’une façon discrète. Les réservistes de «Brisons le silence», un mouvement de soldats qui, originellement, avaient servi à Hebron et rendu public le sale boulot que la hiérarchie exigeait d’eux, refusent justement d’être discrets. Leur passé de combattants leur avait ouvert les portes des lycées où ils pouvaient faire partager aux élèves un récit alternatif à celui des représentants de l’armée, venus recruter des volontaires pour les unités d’élite.
La fête est finie: le nouveau ministre de l’Education – d’extrême droite – a annoncé que «Brisons le silence» n’a plus le droit d’être invité dans les lycées. Il s’agit là d’un symptôme supplémentaire de cette réforme qui transforme rapidement l’Etat hebreu en un régime plus proche de la Hongrie d’Orban que de ses anciens amis de l’Union européenne.
Michel Warschawski est militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem)