Édito

Turquie, le tournant?

Turquie, le tournant?
Des partisan·es du leader de l'opposition Kemal Kilicdaroglu participent à la campagne en vue des élections présidentielles de ce dimanche 14 mai. KEYSTONE
Turquie

Dimanche sera jour d’élections en Turquie, probablement parmi les plus importantes de l’histoire contemporaine turque. En ce premier centenaire de la création de la République turque, la population est appelée à choisir comment elle souhaite amorcer le prochain.

En vingt ans de pouvoir, le président, Recep Tayyip Erdogan, et son parti islamo-conservateur AKP ont entraîné le pays dans une nouvelle dérive autoritaire. Médias, parlementaires, intellectuels, artistes, citoyens lambda, tous sont régulièrement réprimés, mis au ban de la société. Si elle n’est pas censurée, la population s’autocensure, de peur d’être qualifiée de «terroriste» pour avoir défendu une idée contraire à l’occupant du Palais néo-ottoman aux mille chambres.

Le 14 mai, les peuples de Turquie doivent faire un choix: continuer sur cette voie ou bifurquer vers un régime plus démocratique. Derrière le choix du président et des député·es, ils diront aussi leur préférence entre le régime présidentiel d’un seul homme et un régime parlementaire que l’opposition promet de réinstaurer.

Seuls deux candidats peuvent remporter la présidentielle: le sortant et son fervent opposant de toujours, Kemal Kiliçdaroglu. Unie dans une large coalition, l’opposition a ses chances. Car la principale préoccupation de la population est l’économie. Et celle-ci est en mauvaise santé. Notamment en raison des interventions du président sur la banque centrale ou encore des opérations militaires en Irak, en Syrie et en Libye.

L’inflation culmine à des taux records, la dévaluation de la monnaie inquiète, la population s’appauvrit et en a marre. La lutte pour la survie quotidienne et une grande lassitude joueront certainement un rôle dimanche. De même que le recul des libertés et de l’Etat de droit. Sans oublier que plus de 5 millions de jeunes né·es sous Erdogan vont voter pour la première fois. A l’heure où les diplômé·es fuient le pays, on peut s’attendre à ce que leurs bulletins aillent à l’opposition. Le vote des Kurdes pèsera aussi. L’ancien coprésident du parti HDP (pro-kurde) Selahattin Demirtas a appelé depuis sa cellule à soutenir «Bay Kemal» contre les forces islamistes et nationalistes.

Au vu des enjeux et en tenant compte de la prise des mairies d’Istanbul et d’Ankara par l’opposition, sans oublier l’amertume laissée par la gestion désastreuse des secours lors des séismes du 6 février dernier, alors oui, l’opposition a sa chance. A condition que le scrutin de dimanche soit juste et fiable, alors que de précédentes expériences nous obligent à en douter. Et que le président accepte sa défaite.

Opinions Édito Pierre-Yves Genré Turquie Élections

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