Reprise incertaine
On a souvent prophétisé à tort la mort du grand écran face à la concurrence de la télévision, puis de la VHS, du DVD et aujourd’hui du streaming. Imposant la fermeture des cinémas durant de longs mois, la pandémie risquait d’accélérer son déclin. Le public, désormais habitué aux soirées Netflix, allait-il retrouver le chemin des salles obscures?
Oui, selon les entrées enregistrées en Suisse l’an dernier. Malgré les dernières restrictions sanitaires, levées en avril, la fréquentation a grimpé de 62 % par rapport à 2021. Et avec 617 salles exploitées, «la disparition des cinémas, si souvent évoquée, n’a donc pas eu lieu», conclut Procinema, association suisse des exploitants et distributeurs de films.
Cela dit, si la tendance est à la hausse, l’inquiétude demeure. L’affluence observée en 2022 reste en effet inférieure de 30 % à celle d’avant la pandémie. Idem en France (-27 %), en Allemagne ou au Royaume Uni (-34 %), mais les Etats-Unis accusent une baisse supérieure à 35 % et l’Italie à 51 %. En revanche, le choc du covid n’a pas bousculé les équilibres en place. La production américaine domine toujours avec Top Gun: Maverick, Les Minions 2 et Avatar 2, pour une part de marché à 67.88 %; tandis que le cinéma européen (21,38 %) et suisse (5,11 %) se maintiennent. Dans le climat actuel, incitant à la frilosité, l’écart entre blockbusters et films d’auteur pourrait encore se creuser. Comme le souligne Thierry Jobin, directeur du Festival international du film de Fribourg, «c’est un fait que les distributeurs en Suisse et dans le monde prennent moins de risques aujourd’hui».
Procinema constate ainsi que «le secteur ne se rétablit que lentement». A ce rythme, il faudra sans doute attendre deux ou trois ans pour voir la fréquentation renouer avec les chiffres d’avant la pandémie. Et rien n’est moins sûr. Certes, dans une enquête fédérale réalisée à l’automne 2022, les deux tiers de la population suisse se disaient prêts à reprendre sans réserve les sorties culturelles. Mais près de la moitié des personnes interrogées affirmaient aussi avoir pris l’habitude de rester à la maison et fréquenter moins souvent les établissements culturels. Si les résultats de l’an dernier sont encourageants, l’avenir s’avère encore bien incertain. Victimes d’un «covid long», les salles sont encore en convalescence.