Édito

Pas d’avenir hors la lutte

Pas d’avenir hors la lutte
Pour des millions de Britanniques, la grisaille de leur horizon n’a rien à envier à celle de la RDA des années 1980. BPZ
Royaume-Uni

Des infrastructures vieillissantes, des pénuries, des rationnements, une inflation galopante, des salaires qui ne suffisent pas à boucler les fins de mois… Après quatre décennies de thérapie ultralibérale, le Royaume-Uni a des airs paradoxaux de régime stalinien finissant. Bien sûr, une frange importante de la population continue de tirer profit du système instauré par Margaret Thatcher et maintenu par le Labour blairiste. Mais pour des millions de Britanniques, la grisaille de leur horizon n’a rien à envier à celle de la RDA des années 1980. Quand 8% des fonctionnaires disent fréquenter les banques alimentaires, que 18% avouent s’être fait porter pâle au travail par manque de moyens pour s’y rendre, le système touche clairement à ses limites. Et quand au moins un enfant sur quatre n’a pas accès à une alimentation suffisante, ses fondements moraux sont disloqués.

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Depuis bientôt un an, des milliers de travailleurs et de travailleuses de l’île ont pris le chemin de la révolte. Voyant leur pouvoir d’achat s’effondrer, les cheminot·es ont déclenché en juin 2022 un mouvement de grève courageux qui, depuis, a fait tache d’huile. Le 1er février, malgré les lois antisyndicales en vigueur, un demi-million de personnes ont pu converger dans un mouvement de grève plurisectoriel comme le pays n’en avait plus connu depuis des lustres.

A la veille de cette journée historique un sondage Ipsos donnait le ton: le mouvement est populaire et la grève unitaire jugée légitime et efficiente. Quand aux syndicats, ils se remplument, à l’instar de celui des enseignant·es qui a gagné plus de 10% de membres en cinq mois de lutte.

Le gouvernement a senti le danger et, devant le chaos grandissant, veut poser de nouvelles limites au droit de grève. Parallèlement, il lâche du lest, de façon ciblée, privilégiant les secteurs les plus populaires dans l’opinion – infirmier·es, ambulancier·es – et cherchant à diviser les plus radicaux – entre entreprises du rail. C’est déjà ça de pris, se disent les syndicats concernés, d’autant que leurs membres ont besoin de résultats concrets. Au risque néanmoins d’affaiblir l’ensemble du mouvement.

Face à un gouvernement tory soupçonné d’instrumentaliser l’inflation pour pousser ses employé·es à la démission et démanteler encore davantage les services publics, beaucoup misent désormais sur des élections anticipées. Pourtant, à entendre le leader du Labour, Keir Starmer, promettre de ne pas toucher aux «fondements» du système britannique, on comprend que les travailleur·euses devront surtout compter sur leurs propres forces.

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