Édito

Aux racines du terrorisme

Aux racines du terrorisme
L’échec de l’armée française en Afrique de l’Ouest – ici au Mali – ne s’explique pas tant par son incapacité et son incurie que par l’incompréhension profonde du phénomène djihadiste par l’Elysée. KEYSTONE/ARCHIVES
Terrorisme

Alors que l’Afrique subsaharienne est devenue le nouvel épicentre mondial de l’extrémisme violent, comptant à elle seule 48% des morts dus au terrorisme dans le monde en 2021, un rapport de l’ONU publié mardi vient à point nommé pour rappeler les racines du mal.

Celles-ci sont à rechercher principalement dans le manque d’opportunités économiques, l’abandon de l’Etat et les violations des droits humains, plutôt que dans un extrémisme islamique hors sol ou une «haine ethnique» ancestrale. Basée sur des entretiens menés avec 2200 personnes dans huit pays, dont 1000 anciens membres de factions armées dissidentes, cette étude1>«Sur les chemins de l’extrémisme en Afrique: les voies de recrutement et de désengagement», www.undp.org du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a pu retracer leur parcours et identifier leurs motivations.

Parmi les éléments déclencheurs spécifiques les poussant à rejoindre ces groupes, 71% des ex-combattants ont mentionné les exactions contre les populations, souvent commises par les forces de sécurité de l’Etat, comme «point de basculement». Aussi, loin de faire disparaître ces bandes organisées, ou même de les contenir, les interventions militaires, avec leurs lots de «victimes collatérales», alimentent souvent le terrorisme qu’elles prétendent combattre.

Le PNUD vient ainsi éclairer indirectement les raisons de l’enlisement d’une partie de l’Afrique, en particulier au Sahel, face au phénomène «djihadiste» ou terroriste. Pour ne prendre qu’un exemple, l’échec de l’armée française en Afrique de l’Ouest – avec son départ forcé du Mali et, bientôt, du Burkina Faso – ne s’explique pas tant par son incapacité et son incurie que par l’incompréhension profonde du phénomène djihadiste par l’Elysée. On n’éradique pas les atroces conséquences de l’extrême pauvreté, de l’ignorance et d’une longue histoire de colonisation, de pillage et de corruption par des bombes larguées à tout-va. Cela revient à jeter de l’huile sur le feu.

C’est une toute autre politique que recommande aujourd’hui le PNUD: «Pour contrer et prévenir l’extrémisme violent, le rapport recommande un investissement plus important dans les services sociaux de base, y compris la protection de l’enfance, l’éducation et des moyens de subsistance de qualité, etc.». Négociations, dialogue avec les institutions religieuses et les écoles coraniques, amnisties, accords de paix font également partie des recettes de l’ONU. Ces politiques sont désormais envisagées par des Etats comme le Mali et le Burkina Faso, alors que l’ex-puissance coloniale ne voulait pas en entendre parler, toute obnubilée qu’elle était par sa lutte à mort contre des combattants diabolisés. On a vu ce que cela a donné.

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