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Trois semaines à bord de l’Ocean Viking, suffisant pour que la Suisse réagisse?

Dans une lettre ouverte aux autorités fédérales, des étudiant·es en médecine et sciences infirmières lausannois·es exigent une réponse face à «l’urgence sanitaire et humanitaire» en Méditerranée, après l’épisode du navire de sauvetage Ocean Viking, bloqué de longues semaines en mer avec des migrant·es rescapé·es à son bord, faute d’autorisation d’accoster.
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Un groupe d’étudiant·es en médecine et en sciences infirmières de l’Université de Lausanne interpelle les autorités fédérales à propos de la situation extrême qu’ont vécu 234 migrant·es secouru·es en Méditerranée à bord de l’Ocean Viking de l’association SOS Méditerranée. En effet, il a fallu attendre plus de vingt jours pour qu’un gouvernement européen – les autorités françaises – acceptent «exceptionnellement» le débarquement du bateau, laissant un équipage et ses rescapé·es à l’abandon et dans l’incertitude totale durant trois longues semaines. Pire, cette situation a mené à la nécessité d’évacuation héliportée en urgence de trois personnes dans un état critique. La Suisse devrait s’engager dès maintenant pour qu’une telle situation ne se reproduise plus.

Imaginez-vous vos proches brûlés au gasoil, déshydratés, mal nourris, en hypothermie et épuisés par de longues semaines en mer. Voici la réalité de ces 234 migrant·es dont 55 mineurs (46 non accompagné·es), qui se sont retrouvé·es immobilisé·es dans les eaux internationales, en attendant de pouvoir débarquer en port sûr.

L’intégrité physique d’un·e migrant·e traversant la Méditerranée est gravement menacée à chaque étape de son parcours. Il existe une myriade de pathologies générées par la traversée, atteignant même des individus avec une santé robuste. Viennent s’ajouter à cela des séquelles de violences physiques, psychologiques et/ou sexuelles, des grossesses ou des maladies chroniques manquant de suivi et de traitement. Une hospitalisation urgente pour certain·es est indispensable mais celle-ci n’est pas possible à bord de bateaux de sauvetage tel que l’Océan Viking et nécessite donc un débarquement rapide.

Le stress subi par ces migrant·es durant près de trois semaines vient s’ajouter à leur trajet déjà semé d’obstacles avant leur traversée en mer. En effet, le parcours maritime est un traumatisme accompagné d’incertitudes comme la peur de l’épuisement des réserves alimentaires, la crainte de ne pas pouvoir survivre au voyage ou même d’atteindre un port sûr. D’ailleurs, l’OMS indique une plus grande prévalence de troubles mentaux tels que la dépression, le syndrome post-traumatique et l’anxiété parmi les migrant·es exposé·es à l’adversité. Par conséquent, l’isolement à bord d’un bateau de sauvetage ne fait qu’augmenter le désespoir et la détresse, augmentant le risque d’une décompensation psychologique des migrant·es à bord.

Cette détresse accroît également la violence à bord et le risque de suicide, mis en évidence par le témoignage de SOS Méditerranée en 2020 relatant deux suicides commis cinq jours après un sauvetage. De plus, il faut être particulièrement vigilant à la présence d’enfants à bord, qui sont sujets à des traumatismes répétés pouvant avoir des grandes répercussions sur leur développement cognitif. Répondre à cette détresse devrait donc être une priorité des gouvernements européens et suisse, afin de préserver la dignité de ces personnes en regard de l’article 7 de la Constitution helvétique, tout en agissant dans le respect du cadre légal strict sur les conventions internationales d’obligation de secours en mer.

Or, la Libye, souvent citée par certains politiques en Suisse et dans l’Union européenne, n’est pas une option pour le débarquement de ces bateaux de sauvetage. Comme de nombreux témoignages récoltés par diverses ONG le démontrent, de multiples atrocités y sont commises; actes de torture, malnutrition, homicides, viol et autres formes de violences sexuelles ou encore de travail forcé. Renvoyer ces personnes en Libye irait à l’encontre de la convention SOLAS1>Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer. établissant l’obligation de porter secours aux personnes en mer et ce jusqu’à leur débarquement en toute sécurité.

Sans changement de la politique européenne, le scénario de l’Ocean Viking risque bien de se répéter à l’avenir. La Suisse devrait s’engager, au nom de sa tradition humanitaire et de sa neutralité, pour une réponse politique européenne rapide à cette crise sanitaire et humanitaire qui garantisse à la fois le respect des traités internationaux – et donc le droit des bateaux de sauvetage à un débarquement rapide dans le port sûr le plus proche du lieu du sauvetage – et qui permette une répartition équitable des migrant·es secouru·es entre pays européens.

Cette lettre ouverte dénonce une urgence sanitaire et humanitaire qui mérite une attention à tous les niveaux et amène le questionnement suivant: s’il n’y avait pas de Méditerranée entre la Suisse et le continent africain, resterions-nous aussi indifférents au sort de ces personnes?

Notes[+]

Signataires: Sophie Jaton, Rosana Garcia Cardoso, Chloé Aeschlimann, Laurie Calvo Ansede, Alexandra Cillero Goiriastuena, Santana Despont, Arrathana Kanagaratnam, Isabel Santisteban Vera, Amina Stolz, Lara Clivaz, Léon Rossier, Alexandra Loewer et Maureen Ory.

Texte issu d’un travail d’option de médecine (3e année de bachelor/1e année de master en médecine et infirmières diplômées/2e année de master en sciences infirmières) de l’Université de Lausanne, dirigé par le Pr Patrick Bodenmann, spécialiste des populations en situation de vulnérabilité et le Dr Kevin Morisod, médecin assistant de recherche.

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