Chroniques

Hommage à Sébastien Guex

L’historien Sébastien Guex, figure iconique de l’université de Lausanne, a pris sa retraite cette année. A cette occasion, et sur un modèle qui a déjà fait ses preuves, ses collègues lui adressent un livre synthétisant ses apports à l’historiographie helvétique dans un hommage respectueux, admiratif et – il faut bien le dire – parfois émouvant.

A ce titre, Du pouvoir et du profit intéressera un lectorat de deux types: celles et ceux qui, ne connaissant pas ou peu le personnage, auront la chance de pouvoir découvrir les travaux de l’un des plus exceptionnels historiens helvétiques; et celles et ceux qui, familiers avec ses recherches, auront la chance de découvrir certains aspects de la personnalité exceptionnelle de cet historien.

Exceptionnel, Sébastien Guex l’est donc à plus d’un titre. Si les hommages qu’il reçoit sont, par leur contenu, remarquables, on voudrait faire remarquer l’équipe qui les lui rend: les plus éminents membres de l’Ecole de Lausanne, qui en grande partie s’est constituée en même temps et en collaboration avec notre historien, se sont réunis pour dire leur admiration et – ce qui est suffisamment rare dans le milieu académique pour être remarqué – ce qu’ils et elles lui doivent.

Du pouvoir et du profit donne donc à voir l’œuvre de notre historien, exprimée par une sélection d’articles, mais aussi sa place au sein d’un collectif d’intellectuels dédié à l’étude sans concession de l’histoire et de la société helvétique.

Sébastien Guex a consacré son énergie à écrire une histoire marxiste de la Suisse – il traite surtout de sujets d’histoire économique, fiscale et financière – et au militantisme – il est un des piliers, entre autres, de Solidarités. Cela lui a valu d’être ignoré par nombre de collègues notamment alémaniques et, comme il le relate dans un long entretien initial, des attaques parfois ouvertes et personnelles.

Néanmoins – mais les lecteurs et lectrices de Max Weber ne seront pas surpris que le sujet ne soit pas abordé en détail –, notre historien est nommé professeur en 2005: et c’est de cette chaire que, désormais libéré des quelques concessions auxquelles il avait dû se résigner, il a pu contribuer de manière déterminante à la constitution d’un véritable pôle de recherche sur ses thèmes de prédilection, pôle aujourd’hui caractéristique de l’université de Lausanne.

Les anciens étudiant·es de Sébastien Guex trouveront sans doute difficile de ne pas lire l’entretien préliminaire et les présentations des différentes parties sans éprouver une certaine satisfaction – celle d’avoir pu assister aux cours de cet historien peu conventionnel –, un certain amusement – ou aurait voulu plus tôt apprendre que collégien, il était surnommé «Guénine» – en même temps qu’un certain désarroi face aux regrets, peines et déceptions qui sont données à lire – qu’elles soient personnelles, politiques ou liées aux injustices qui jalonnent sa carrière académique.

Mais Du pouvoir et du profit est aussi un témoignage de la beauté et de l’importance du métier d’enseignant-chercheur universitaire, et si l’on ne se défait pas d’une certaine amertume, on y découvrira aussi le brûlant espoir émancipateur du travail intellectuel. Et puis la promesse, de ce prolifique mais prudent auteur, d’un livre en cours de gestation: retraité, mais seulement des obligations administratives et d’enseignement.

Séveric Yersin est historien.

Guex, Sébastien, Du pouvoir et du profit, Lausanne: Antipodes, 2022, 704 pages.

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