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Les bienfaits de la mobilité active: une évidence pour nos autorités?

À votre santé!

J’habite dans la capitale mondiale du cyclisme, très fière d’avoir accueilli une étape du Tour de France, mais aussi du Tour de Romandie, et c’est tant mieux. Mais cet engouement représente-t-il un vrai tournant dans la vision de la mobilité que veut insuffler la Municipalité? Je sais, les mentalités sont lentes à changer, les habitudes encore plus, mais on nous promet 15% d’économies d’énergie pratiquement indolores cet hiver; il y a un an, on nous les disait impossibles, et aujourd’hui on s’accorde à les faire. Encore faudra-t-il que ces mesures soient pérennes et pas conjoncturelles pour qu’elles soient le témoin d’un tournant dans ce domaine.

Dans ma ville toujours, on a imposé aux familles une réorganisation scolaire – dont «on dit» qu’elle va bénéficier à la formation des enfants. Elle entraîne de plus longs déplacements, en particulier pour les enfants des petites classes. Les autorités ont «bricolé» des lignes du bus – un peu à la hâte, en refusant de les rendre gratuites –, ont amélioré la sécurité d’un carrefour dangereux à proximité de l’école et se sont montrées très satisfaites de leur travail. Il y a vingt ans encore on aurait applaudi peut-être, mais en 2022 il me semble que la réflexion de la Municipalité n’est pas en phase avec la réalité: elle n’a fait que répondre au plus pressé, sans profiter de ce changement d’organisation scolaire pour favoriser un changement de mobilité dans notre ville (qui, dois-je le rappeler, est de taille modeste) et promouvoir davantage de mobilité active à l’âge scolaire.

On sait pourtant que la pratique d’une activité physique est bénéfique pour la santé, autant physique que mentale, en favorisant notamment le renforcement musculaire et de l’équilibre, le maintien de la souplesse ainsi qu’en contribuant à la santé pulmonaire et cardiovasculaire, mais aussi à l’amélioration de l’humeur, des performances cognitives et de l’estime de soi, à la réduction de l’anxiété, du stress et du risque de dépression… On gagne beaucoup à bouger et ceci est vrai pour tous les âges. Nul besoin de faire du sport de manière intensive, il suffit à une personne de pratiquer quelques heures d’activité physique par semaine pour observer une amélioration de sa condition physique et mentale.

N’était-ce pas l’occasion de promouvoir activement la création d’un Pédibus (système où un adulte accompagne quelques enfants à pied à l’école) plutôt que d’affirmer que cette tâche incombe aux parents? N’était-ce pas le moment opportun pour instaurer de vrais chemins piétonniers entre les différents quartiers de la ville et les établissements scolaires? N’y avait-il pas les circonstances idéales pour repenser la circulation automobile et la vitesse autorisée en ville, dans un but de préserver au mieux la sécurité des enfants? N’était-ce pas l’opportunité de lancer le coup d’envoi du plan de mobilité douce qui existe déjà sur le papier?

Cela demanderait du volontarisme politique. C’est contraire aux usages, me dira-t-on, il ne faut rien brusquer, donner du temps au temps… Mais est-ce raisonnable, au moment de la crise énergétique, de la perte de biodiversité concomitante et surtout quand on cherche à être labellisée «Commune en santé», comme de nombreuses villes actuellement (après «Ville verte» ou «Cité de l’énergie»). La vérité crue est que, deux mois après la rentée scolaire, on observe une circulation automobile chaotique autour de l’école – surtout les jours de pluie –, au point que la Municipalité pense à augmenter les places de «dépose d’enfants». C’est le monde à l’envers, ou celui «d’avant» (le Covid, la crise énergétique, et j’en passe).

A un moment charnière où force est de constater que la sédentarité entretenue par nos modes de vie et par l’organisation du travail a un impact négatif important et représente un problème de santé publique majeur, une étude récente très fouillée a permis d’évaluer les bénéfices, en termes de santé, de l’activité physique liée à la mobilité «active» de tous les jours (marche et vélo, y compris avec assistance électrique): ces bénéfices sont réels en termes de coûts, mais aussi de diminution de la mortalité. On s’y attendait un peu, mais c’est bien étayé!

Redonner du plaisir à bouger dans la vie de tous les jours, dans un environnement sécurisé et avec moins de pollution, n’est-ce pas un objectif essentiel et urgent, qui nécessite une politique publique active? Est-ce trop demander?

Et ne me dites pas que cela relève seulement de la sphère individuelle.

PS: je n’ai aucune animosité contre la Municipalité de ma ville et elle le sait!

Bernard Borel est pédiatre FMH et conseiller communal à Aigle.

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lundi 8 janvier 2018

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