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«Des gentils jeux de société»

Franceline James, médecin retraitée, regrette l’absence de portée politique du programme de la Journée internationale des personnes âgées – qui a lieu chaque 1er octobre – proposé par la Ville de Genève.  
Aîné·es

L’androcène et la Journée internationale des personnes âgées ont-ils quelque chose en commun? De toute évidence, oui.

L’androcène est le nom donné à la masculinité dominante dans la destruction de la planète – à travers l’économie, la politique, et tous les lieux de pouvoir où se décide notre avenir commun. Et la Journée internationale des personnes âgées, fixée par l’ONU, promet d’être un bel échantillon de leurs accointances.

«Créer des espaces de rencontre, d’échanges et de convivialité qui contribuent au mieux vivre ensemble et au renforcement de la cohésion sociale» constitue le projet de la Ville de Genève pour l’édition 2022 de la journée, au moyen d’un programme comprenant de nombreuses animations dans les quartiers. On pourra ainsi s’intéresser à nos vieux, leur dérouler le tapis rouge (voir l’édition de 2015), leur enseigner les arcanes du QR-Code… Bref: ouvrir pour un jour la porte de leur cage et y entrer pour faire la causette.

Mais quant à les laisser sortir… l’homme de l’androcène veille au grain! Pas l’ombre d’une remise en question de cette classification des personnes, des tâches, des priorités… Pas l’ombre d’un regard politique sur l’existence même de la classe des «vieux», leur (absence de) rôle dans la société. Pas l’ombre d’un regard critique sur la fameuse masculinité dominante qui nous présente ce monde à l’envers.

Mais on peut rêver. A quand une Journée internationale lors de laquelle les vieux pourront à loisir interrompre la course effrénée des hommes, des décideurs, retarder leurs importants rendez-vous pour bavarder un moment? A quand une Journée internationale où le monde sera enfin remis à l’endroit?

Alors on verra apparaître la réalité des vieux – qui sont majoritairement des vieilles, comme c’est intéressant! Alors on entendra peut-être ces vieilles hurler leur dégoût devant l’homme androcène destructeur de notre planète. On les entendra peut-être hurler leur colère d’exploitées victimes de tant d’années d’injustice sociale. On cessera alors de jouer benoîtement aux gentils jeux de société concoctés pour cette journée. Et je me ferai un plaisir d’y participer dans un monde enfin remis à l’endroit.

Mais pour cette année, c’est râpé, le monde a toujours la tête en bas. Je laisserai donc les organisateurs jouer avec leurs vieillards et j’irai voir ailleurs s’il fait beau.

Une retraitée en colère après la votation du 25 septembre.

* Médecin en retraite (partielle).

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