AVS21: non au jeu de dupes
Si l’égalité était acquise, les rues seraient restées désertes le 14 juin 2019. Une partie importante de la population semble pourtant convaincue qu’elle l’est, et qu’il est donc grand temps de voir l’âge de la retraite des femmes aligné sur celui des hommes.
En réalité, les femmes continuent à assurer gratuitement la majorité du travail domestique, éducatif et de soins, tout en touchant des salaires en moyenne 19% plus bas que les hommes. Elles sont aussi nombreuses à ne pas pouvoir assumer leur travail jusqu’à la retraite, quittant la vie active entre 55 et 63 ans pour prendre soin de leurs proches âgés ou malades au détriment de leurs propres rentes. Un bon quart des femmes se contente pour (sur)vivre d’une rente AVS mensuelle de moins de 2000 francs – bien loin de l’objectif de l’AVS d’assurer une retraite dans la dignité. Comment dans ces conditions envisager une année de rente de moins, une année de travail de plus?
Les partisan·es de la loi avancent la nécessité d’assainir l’AVS en vue de l’arrivée à la retraite des baby-boomers – un épisode ponctuel, devenu le narratif de campagne. C’est très régulièrement que le spectre des caisses vides ressurgit au fil des ans, tout aussi régulièrement démenti. Un seul exemple: en 1995, un déficit de 8,4 milliards de francs avait été programmé pour 2020. L’AVS a été bénéficiaire cette année-là (à hauteur de presque 2 milliards de francs). Car la santé du 1er pilier est bien plus étroitement liée aux gains de productivité qu’à la démographie.
Parmi les promesses de campagne abondamment délivrées par la droite, celles des mesures de compensation prévues: elles semblent nettement moins compensatoires lues par les syndicats (voir notre article). Face à l’évidence des chiffres – les femmes touchent nettement plus rarement que les hommes une rente du 2e pilier (49,7% contre 70,6%) et, lorsqu’elles en touchent une, son montant est inférieur de 47% environ à celle d’un homme –, partisans et partisanes d’AVS21 ont aussi assuré vouloir s’attaquer à la réforme de la LPP. Leur promesse n’est pourtant pas près de se concrétiser puisque le Parlement ne traitera finalement pas de la réforme du deuxième pilier (LPP) avant la votation. La population votera donc en toute ignorance de cause le 25 septembre prochain.
Si AVS21 était accepté, et les caisses ainsi alimentées grâce au relèvement de l’âge de la retraite des femmes, quelle nécessité pourrait encore convaincre la droite de s’attaquer à réformer le deuxième pilier alors que les lacunes de celui-ci engraissent le marché des assurances vie et autres troisièmes piliers? Le 14 juin 2019 et sans relâche depuis, les femmes ont montré qu’elles refusaient d’être les victimes de ce jeu de dupe et de toutes les inégalités qui perdurent. Comment ne pas l’entendre?