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La tuberculose toujours d’actualité?

À votre santé!

Selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), en Suisse, il y a encore près de 550 cas de tuberculose par an. La majorité d’entre eux touche des personnes issues de pays où la tuberculose est encore répandue (en particulier l’Afrique et l’Asie). Dans la population indigène, la moitié des cas concernent des retraités ayant contracté la maladie dans leur enfance. Pas vraiment de quoi en faire un article, me direz-vous. C’est vrai, sauf que, avec l’afflux de migrants ukrainiens, une certaine alerte de santé publique est nécessaire: dans ce pays, la tuberculose est environ 15 fois plus fréquente qu’en Suisse. C’est vrai qu’il n’y a pas de quoi paniquer puisque l’incidence passe de 5 à 75 pour 100’000 habitants (donc pas si fréquent… si on pense au Covid) mais est suffisante pour rappeler à chaque médecin que cette maladie continue de faire des ravages ailleurs dans le monde, même si elle devient anecdotique en Suisse. Surtout que certains arrivants vont se rendre directement chez des particuliers et ne passent pas par le circuit habituel des demandeurs d’asile et n’ont donc pas les contrôles sanitaires habituels. Pour le canton de Vaud par exemple, c’est près de 80% des réfugiés ukrainiens qui sont dans des familles d’accueil, et tant mieux; c’est la preuve qu’une certaine solidarité existe encore!

Cela nous oblige néanmoins, nous soignants, à nous replonger dans cette maladie et à nous rappeler qu’il est important, lors d’une consultation avec un·e réfugié·e en particulier, de penser à la tuberculose.

Que nous dit l’OMS? La tuberculose reste l’une des maladies infectieuses les plus meurtrières au monde. Chaque jour, plus de 4100 personnes perdent la vie à cause d’elle et près de 28 000 contractent cette maladie évitable et curable. Les efforts mondiaux de lutte contre la tuberculose ont permis de sauver environ 66 millions de vies depuis l’an 2000. Cependant, la pandémie de Covid-19 a effacé des années de progrès dans le combat pour mettre fin à la tuberculose. Pour la première fois depuis plus d’une décennie, les décès dus à la tuberculose ont augmenté en 2020. Cette recrudescence est due à une fragilisation des programmes nationaux, encore souvent très verticaux et pour lesquels le financement a manqué, happé par la lutte contre le Covid-19. Sans parler des ressources humaines qui souvent ont été affectées à la lutte contre la pandémie. Le suivi des malades est devenu plus erratique et hélas souvent les médicaments ont manqué. C’est d’autant plus dommage et problématique qu’une tuberculose bien traitée se guérit, même si le traitement reste long, alors que le patient se sent rapidement mieux et sera moins enclin à chercher son traitement si une fois sur trois le centre de santé en est dépourvu ou le soignant n’est pas là! De plus, la tuberculose est sournoise et peut passer inaperçue (ou se guérir spontanément), être latente (et ne se réveiller que beaucoup plus tard dans la vie) ou se présenter comme une maladie franche. Ce qui complique la situation est le fait qu’une tuberculose mal traitée (souvent pas interruption du traitement) peut amener des multirésistances: on sait à ce sujet que l’est de l’Europe a une incidence de tuberculose multirésistante élevée, ce qui doit nous rendre d’autant plus attentifs à faire un diagnostic précoce. C’est un défi politique pour les systèmes de santé, un défi médical (protocoles de traitement adaptés) et un défi scientifique en particulier pour l’industrie pharmaceutique qui doit rattraper un gros retard: depuis la commercialisation de la rifampicine au début des années 1970, cinquante ans se sont écoulés sans qu’un nouveau tuberculostatique ne soit mis sur le marché et trop peu de nouvelles molécules sont disponibles.

Mais il faut rappeler que cette maladie survient ou se propage dans des contextes de vulnérabilité où les conditions socio-économiques jouent un rôle important. Chez nous, le cumul des facteurs de vulnérabilité pour la santé par les personnes exilé·e·s, notamment les obstacles à l’obtention de l’assurance-maladie, le faible recours à l’interprétariat en santé, l’hébergement collectif ou l’isolement social sont autant de freins à un accès au dépistage et à la prise en charge de la tuberculose. La lutte contre la tuberculose devrait s’inscrire dans une approche globale de la prise en charge de la santé des personnes exilées, tenant compte du contexte psychique, social et juridique de l’exil, et devrait toujours se faire avec un/une interprète.

Cela ne doit pas nous dispenser de lutter pour une répartition plus équitable des richesses, qui reste le facteur le plus important pour une meilleure santé globale de la population (mais c’est un autre débat).

Bernard Borel est pédiatre FMH et conseiller communal à Aigle.

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lundi 8 janvier 2018

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