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La grande liquidation

La grande liquidation
Le lobby pétrolier et ses relais idéologiques font la pluie et le beau temps dans le Parti républicain. KEYSTONE
Climat

Il faudra s’y faire. La Cour suprême étasunienne a opéré une nouvelle volte-face. Après avoir liquidé la garantie fédérale du droit à l’avortement, elle a bloqué ce jeudi la possibilité pour l’Etat – ou plutôt son bras armé, l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA) – d’édicter des règles générales pour réguler les émissions de centrales à charbon. Ces dernières représentent 20% de la production électrique aux Etats-Unis et près d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre.

Formellement, elle s’est prononcée sur un recours déposé par l’Etat de Virginie Occidentale. Dans les faits, l’action était pilotée par le lobby pétrolier et ses relais idéologiques qui font la pluie et le beau temps dans le Parti républicain. Les nouvelles et nouveaux juges fédéraux qui permettent ces bascules sont d’ailleurs issus des Think Thank financés par ces intérêts.

Il s’agit bien évidemment d’une catastrophe pour le climat: le triomphe d’un climat-négationnisme très présent aux Etats-Unis et porté par Donald Trump lui-même. Celui-ci avait déjà mis à la tête de l’EPA un de ses pires détracteurs1>Libération du 1er juillet, «Etats-Unis, après l’IVG, la Cour suprême s’attaque au pouvoir climatique de l’Etat fédéral». et laissait entendre que le réchauffement climatique était un canular inventé par les Chinois pour saper la machine économique étasunienne… Si l’un des principaux pollueurs au monde refuse de se plier aux objectifs onusiens du GIEC, la lutte contre le réchauffement climatique va devenir mission impossible. Et seules des sanctions commerciales musclées ramèneront ce train devenu fou sur les rails de la raison.

Les trois juges minoritaires progressistes survivant·es dans ce cénacle réactionnaire pointent d’ailleurs du doigt l’arrogance de leurs collègues. «Cette Cour […] n’a pas la moindre idée de comment répondre au changement climatique», dénonce Elena Kagan, «et, pourtant […] la Cour se désigne elle-même – à la place du Congrès ou de l’agence spécialisée – comme le décideur politique. Je ne vois pas grand-chose qui soit plus effrayant que cela»2>Ibid.. Une illustration de la crise institutionnelle que traversent les Etats-Unis. Les velléités putschistes de Donald Trump, mises en lumière par la commission d’enquête sur l’attaque du Capitole, ont des racines profondes. Le fameux Checks and Balances, fondement de la démocratie étasunienne, est miné de l’intérieur.

Au-delà de la question climatique, c’est au triomphe néolibéral que l’on assiste. Les grandes agences fédérales se voient privées de tout levier. L’arrêt de jeudi adoube une vision politique inquiétante où même le rôle régalien de l’Etat est remis en question. Comme pour la liquidation du droit à l’avortement qui annonce des attaques sur le mariage pour toutes et tous ou les droits des minorités sexuelles, le coup de force idéologique de jeudi sera suivi par d’autres attaques dans le domaine de la santé, de la protection de l’environnement ou de la politique migratoire. La crise ne fait que commencer.

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