Édito

Il est nonante secondes avant minuit

Brouillon auto 436
The Bulletin of the Atomic Scientists a annoncé mardi, lors d’une conférence de presse à Washington, avoir avancé l’horloge de l’apocalypse à 90 secondes avant minuit. KEYSTONE
Nucléaire

Tic tac, l’heure tourne sur l’horloge de l’apocalypse. Ce marqueur des risques nucléaires, mais pas qu’eux, a été avancé mardi de 10 secondes. Il affiche minuit moins 90 secondes! Ce projet symbolique existe depuis 1947. Il a été mis sur pied par le Bulletin of the Atomic Scientists, un organe pacifiste regroupant des chercheurs dans le domaine de l’armement atomique, dont Albert Einstein, qui avaient notamment œuvré sur le projet Manhattan dont furent issues les meurtrières bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki. A la fin de la guerre froide, les aiguilles avaient été reculées à minuit moins 17 minutes….

«Nous avançons l’horloge, et c’est le plus près qu’elle ait jamais été de minuit», explique le collectif de scientifiques gérant le projet. «Nous vivons une époque de danger sans précédent», selon Rachel Bronson, la présidente de la publication. Plusieurs facteurs expliquent cet alarmisme. Le premier est bien évidemment la guerre en Ukraine et les menaces de Vladimir Poutine de recourir à l’arme atomique. Ou de s’attaquer via des missiles au réseau satellitaire Starlink qui permet aux Ukrainiens de communiquer. Une telle attaque serait susceptible d’entraîner une riposte et pourrait conduire à une escalade de type nucléaire.

D’autres facteurs concomitants viennent accroître le risque et expliquent la solennité du ton. L’invasion de l’Ukraine aggrave le dérèglement climatique. Certes, elle pousse à passer aux énergies renouvelables, mais l’envol des prix a aussi vu un redémarrage des filières d’énergies fossiles.

Sans oublier que la dérive impérialiste et guerrière de la Russie sape les espaces de diplomatie multilatérale susceptibles d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux climatiques. Ou d’anticiper des crises sanitaires, comme celle du Covid-19, qui sont appelées à se reproduire plus souvent. Enfin, relevons le regard inquiet de ces scientifiques sur la dégradation du système d’information – crise des médias oblige –, qui vient elle aussi miner les espaces d’un débat sinon constructif, du moins rationnel.

Dans leur communiqué, les responsables du projet pacifiste plaident pour le maintien des canaux de dialogue entre responsables militaires des deux blocs pour éviter un dérapage fatal pouvant conduire à la catastrophe. C’est peu. Le ton est alarmiste: il est vrai qu’il ne reste qu’une centaine de secondes sur ce compte à rebours macabre. Dit d’une autre manière: chaque seconde compte.

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