Édito

Climat: et de deux

Climat: et de deux
Action du collectif Breakfree Suisse devant le siège de Credit Suisse en février 2020 avant la tenue du procès. KEYSTONE
Réchauffement climatique

La sentence a claqué. La Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rendu mercredi un arrêt qui fera date. Elle a acquitté un jeune activiste du climat qui avait apposé des mains rouges en forme de tags sur la façade de Credit Suisse. L’instance de droit a reconnu au jeune homme de 23 ans d’avoir agi au nom de l’état de nécessité.

En clair, la justice admet qu’après avoir vainement tenté d’infléchir la politique d’investissement de la banque par divers moyens (lettre, pétition, etc.), vu l’ampleur du risque que le réchauffement climatique fait courir à l’humanité et l’inertie du géant bancaire, il était fondé à recourir à ces moyens de résistance civile non-violente.

Le jugement genevois fait suite à un arrêt de la justice vaudoise qui avait acquitté, en janvier dernier, des militants pour des actions comparables. Le verdict a été inversé il y a quelques semaines en seconde instance. Il devrait in fine être tranché par le Tribunal fédéral (voire à Strasbourg).

Ce qui avait été présenté comme un coup de sang d’un juge vaudois un peu hors normes trouve donc confirmation au bout du lac. Et de manière tout aussi argumentée. Les risques du réchauffement climatique sont connus, admis par le législateur et le Conseil fédéral. Et le rôle de Credit Suisse, qui continue d’investir dans le secteur fortement carboné de l’extraction, va à l’encontre des objectifs affichés par l’autorité. Mieux, relève le jugement, les méthodes employées par les activistes climatiques ont porté des fruits, puisque la banque a dû – verbalement au moins – promettre de se retirer des domaines les plus polluants de ce secteur, les centrales à charbon.

L’arrêt met en évidence la solidité des arguments des militants climatiques. Quel contraste avec la rhétorique populiste de certains parlementaires qui s’étaient permis de brocarder les jeunes occupants de la place Fédérale qui avaient laissé les lieux dans un état déplorable. Oubliant que cela n’était que la résultante de leur évacuation manu militari par la police. Quand on finit dans un panier à salade, on n’a pas tellement le temps de faire le ménage… On voit, au contraire, que ce mouvement social dispose d’un discours cohérent, construit et sérieux; les partis bourgeois volontiers climato-négationnistes pour garantir leurs prébendes, pourraient s’en inspirer au lieu de déblatérer des sottises de carnotzet.

Quel que soit l’avenir du jugement de la Cour de justice genevoise – un recours au Tribunal fédéral de la part de Credit Suisse ou du Parquet se décidera dans les trente jours –, cet arrêt va ébranler des certitudes et des liens d’intérêts que l’on croyait solidement établis dans le royaume du consensus mou helvétique. Et c’est salutaire au regard de l’enjeu en termes de survie que pose le défi climatique.

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La grève du climat

vendredi 11 décembre 2020
Depuis janvier 2019, en Suisse et ailleurs en Europe, les jeunes se mobilisent pour alerter l'opinion publique sur le réchauffement. Les procès climatiques de ces activistes se succèdent aussi.

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