Édito

Un droit attaqué sans fin

Brouillon auto 381
Manifestation pour le droit à l'avortement, le 11 mai 2022 à Chicago. KEYSTONE
Égalité

Demain, une fois encore, les femmes seront dans la rue pour défendre le droit à l’avortement. Aux Etats-Unis, la Cour suprême envisage d’abroger l’arrêt Roe vs Wade qui considère depuis 1973 que le respect de la vie privée, constitutionnellement garanti, s’applique à l’avortement. Si l’avant-projet – qui a fuité –  était adopté, la moitié des Etats environ pourraient interdire ou restreindre drastiquement l’IVG. Cette funeste perspective est à la fois le parachèvement de décennies de lutte conservatrice et un cadeau de départ de Donald Trump. Au fil du temps, les milieux évangéliques et catholiques, très majoritairement «provie», ont appris à cibler les personnes influentes et à monnayer politiquement leurs revendications. Donald Trump leur a fait la courte échelle en renforçant le poids conservateur à la Cour suprême, où un tiers seulement des juges est encore démocrate. A noter que la majorité des Etasunien·nes veut conserver l’arrêt de 1973.

Avec ce projet, le paysage du pays des libertés pourrait changer très rapidement, notamment dans le sud des USA et dans le Midwest. Si plusieurs Etats républicains restreignent déjà l’accès à l’avortement, d’autres disposent des outils légaux nécessaires qu’ils activeront dès que la Cour suprême aura mis son projet à exécution. Signe que la menace est sérieuse, le Planning familial et certains milieux médicaux imaginent déjà des moyens de réagir, par exemple en offrant un jour de consultation supplémentaire par semaine. Le premier centre d’appel destiné à orienter les femmes obligées d’avorter dans un autre Etat est aussi en préparation.

Outre les droits des femmes, la décision de la Cour ébranlerait aussi l’assise même du droit américain, bâti sur les pierres successives des arrêts faisant jurisprudence. Un nombre infime d’entre eux ont été annulé à ce jour.

Même s’il n’est pas certain que les manifestations de demain infléchissent la décision de la Cour, elles sont essentielles. Car l’accès à l’avortement semble un droit éternellement attaquable. Le National vient de refuser deux motions de l’UDC visant à le limiter. En Croatie, l’indignation populaire a permis qu’un avortement respectant la loi mais refusé par plusieurs hôpitaux, ait lieu. Aux Etats-Unis, la mobilisation donnera un visage et une détermination à la lutte des femmes pour le droit de disposer de leur corps. Effet collatéral: elle pourrait attiser le mécontentement d’un nombre grandissant d’Etasunien·nes qui juge la Cour suprême trop politique. Surtout, elle dira à toutes celles qui pourraient désormais avoir à parcourir des centaines de kilomètres –  si elles en ont la possibilité – pour subir un avortement qu’elles ne sont pas seules.

Opinions Édito Dominique Hartmann Égalité Avortement IVG États-Unis

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