Expliquer n’est pas excuser
Dominique Ziegler, dans sa chronique «Géostratèges de salle de bain» du 13 avril, semble prôner un droit à l’information et à la liberté d’expression très étroit – en tout cas pour les citoyen·nes (de droite ou de gauche) qui ne se qualifient pas d’experts.
Il semble, en effet, que leur droit devrait se limiter à reconnaître que l’invasion de l’Ukraine par le gouvernement russe est un crime. Ils et elles n’ont pas le droit de s’informer ni de s’exprimer sur le contexte géopolitique et historique du crime et surtout n’ont pas à essayer de comprendre la position du criminel. Faut-il vraiment rappeler qu’expliquer n’est pas excuser?
Un droit aussi limité que cela conviendrait bien aux «flemmards intellectuels» dénoncés par Ziegler, mais aussi aux gouvernements qui préfèrent le matraquage par leurs médias, contrôlés par leurs oligarques – occidentaux, russes ou ukrainiens.
Or comme Serge Halimi nous le rappelle (Le Monde Diplomatique du 10 avril 2022): «Revenir sur la genèse de la crise ukrainienne n’a pas seulement pour utilité d’aider à comprendre comment on est arrivé là, mais aussi – et surtout – de réfléchir aux moyens d’en sortir.» J’ajoute que l’utilité est aussi de prévenir de tels évènements dans le futur.
Cette réflexion nécessaire ne doit pas être le privilège exclusif des élites (de salle de bain).
Enfin, il est possible de dénoncer Poutine qui avait «d’autres options que celle du massacre généralisé» et en même temps de dénoncer le fait que l’OTAN et les Etats-Unis – parfaitement conscients du danger – ont pris le risque de provoquer une issue très violente, car leurs intérêts géopolitiques priment sur la vie des Ukrainiens, un peuple honteusement manipulé.
Alison Katz,
Genève