Édito

Le scénario du pire

Le scénario du pire
Marine Le Pen a le vent en poupe, ses thématiques d’identité, de migration et de pouvoir d’achat ont dominé la campagne, et la présence de l’épouvantail Eric Zemmour a pratiquement fini par la rendre fréquentable. KEYSTONE
Présidentielle française

La France est face au scénario du pire. Emmanuel Macron et Marine Le Pen se sont qualifié·es dimanche pour un remake du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017. A une différence près, et elle est de poids: la candidate d’extrême droite est en mesure de l’emporter le 24 avril prochain.

Au présage des récents sondages les plaçant au coude à coude est venu s’ajouter ce constat: avec 31% des voix, la droite xénophobe obtient dix points de mieux que Marine Le Pen en 2017! En face, le libéral Emmanuel Macron peut se targuer d’arriver nettement en tête. Mais il n’a plus guère de réserve naturelle de voix: ployant sous le vote utile, Valérie Pécresse s’est effondrée sous les 5%.

Mathématiquement, le «front républicain» auquel ont appelé les battu·es de gauche devrait suffire à faire barrage à l’extrême droite. Mais la politique n’est pas arithmétique. Marine Le Pen a le vent en poupe, ses thématiques d’identité, de migration et de pouvoir d’achat ont dominé la campagne, et la présence de l’épouvantail Eric Zemmour a pratiquement fini par la rendre fréquentable. Il eût été mille fois préférable que les appels socialiste, vert et communiste à stopper Marine Le Pen arrivent quelques jours plus tôt. En votant le 10 avril pour Jean-Luc Mélenchon, la gauche aurait d’ores et déjà écarté le danger lepéniste.

Or la candidate du Rassemblement national dispose d’un atout maître dans cette nouvelle campagne qui s’ouvre, un second épouvantail: Emmanuel Macron himself! Méprisant, suffisant, élitiste, le maître de l’Elysée concentre sur lui une rare détestation. Son refus de s’abaisser à faire campagne et à débattre avec les autres prétendant·es n’a pu que renforcer cette image. Et le scandale McKinsey, cette société de conseil grassement subventionnée, fiscalement intouchable et dont M. Macron est proche, est venu rappeler les traits de ce «président des riches», fossoyeur de l’impôt sur la fortune. Elu en 2017 avec l’image ambiguë d’un ex-ministre socialiste passé par la Banque Rothschild, il ne bénéficie plus de ce flou ni de l’effet de surprise. Sa politique et ses saillies l’ont clairement placé à droite. Cet homme qui a couvert les violences policières contre les gilets jaunes ou les lacérations de tentes de migrant·es aura désormais davantage de peine à prodiguer des leçons d’humanisme ou d’Etat de droit à Marine Le Pen.

Contrairement à la légende, les extrêmes ne se rejoignent pas. Il n’y a rien de commun entre ceux et celles qui luttent pour l’égalité et la solidarité et le camp qui prône la préférence nationale et pointe des boucs-émissaires. Mais la colère légitime d’une frange de l’électorat de gauche pourrait bien l’éloigner des urnes. Assez pour rendre le verdict incertain.

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