Édito

Inexorable dégradation du débat politique

Inexorable dégradation du débat politique
Le polémiste d'extrême droite Eric Zemmour a annoncé sa candidature à l'élection présidentielle française mardi passé. KEYSTONE
Présidentielle française

La candidature du polémiste d’extrême droite Eric Zemmour, annoncée mardi, est révélatrice d’une très inquiétante recomposition politique en France. Et de la qualité des débats. Le clip de candidature annonçant ses intentions est d’ailleurs truffé d’images sur lesquelles il n’avait nullement acquis les droits. Misogyne, raciste et maintenant vulgaire larron…

C’est tout ce qu’il est, serait-on tenté de dire en le paraphrasant. Malheureusement, c’est aussi autre chose qui se joue dans cette candidature. Elle n’est pas qu’une baudruche médiatique alimentée par un milliardaire aigri – Vincent Bolloré lui a mis à disposition son empire médiatique – mais elle s’inscrit dans un processus qui peut mener au pire. Des verrous sautent. Avec la bénédiction d’une partie du patronat et de l’éditocratie médiatique.

C’est qu’en face, il n’y a plus grand chose. La droite classique a tellement cherché à attirer cet électorat qu’elle tient un discours guère éloigné de celui d’Eric Zemmour. Ce dernier s’inscrit dans la lignée de Nicolas Sarkozy dont la vision néocoloniale lui a ouvert la voie. Et il peut aussi s’alimenter aux renoncements indignes d’un François Hollande qui a beaucoup promis, dont l’élection devait signifier la fin de l’indignité sarkozyste, et qui a surtout renié la plupart de ses promesses de revenir sur les dérives néolibérales et antisociales de l’Europe ou de mettre fin aux dérives sécuritaires des forces de l’ordre. Comment expliquer qu’un Manuel Valls ait pu jouer au matamore populiste, autoritaire et raciste au Ministère de l’intérieur sans se faire débarquer dans la seconde de son poste? Difficile de se présenter ensuite en moindre mal ou en rempart contre cette politique délétère

La Suisse est-elle à l’abri de ces risques? On a vu des députés udécistes, du Parti libéral-radical et même une ex-élue de gauche se faire tirer le portrait aux côtés du douteux personnage lors de sa venue à Genève. Pour la liberté d’expression soi disant, mais plus probablement alléché·es par l’odeur du délicieux brouet d’extrême droite. En idiot·es utiles dans tous les cas. Les digues cèdent aussi chez nous. Il faudra tenir bon, ne pas se laisser intimider par les aboiements de cette meute. Cela ne sera pas facile mais l’exemple français peut nous aider à nous y préparer.

Opinions Édito Philippe Bach Présidentielle française France

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