Édito

Désarmer les ennemis du climat

Brouillon auto 361
KEYSTONE
Climat

De rapport en rapport du GIEC, scientifiques, militant·es et même journalistes sont pris du même vertige: combien de fois faudra-t-il répéter les mêmes prévisions catastrophiques pour infléchir le cours des choses. D’autant que, document après document, les prédictions du GIEC finissent par s’avérer en-dessous de la réalité. Le volet publié lundi, portant sur les conséquences du réchauffement et les possibilités d’adaptation, le dit clairement: l’environnement et les conditions de vie des populations les plus vulnérables se dégradent plus vite qu’attendu et laissent déjà entrevoir des «dommages irréversibles».

A maints égards, le texte (de compromis) porté par le climatologue Hans-Otto Pörtner et la bio-géographe Debra Roberts est courageux et conséquent. Davantage que par le passé, le GIEC s’est ouvert à une approche multidisciplinaire pour décrire les effets du réchauffement mais aussi ses causes et ses remèdes. Les propositions du Groupe de travail insistent en particulier sur la nécessité de lutter contre la pauvreté, de soutenir les pays en développement, de mieux intégrer les populations aux politiques publiques ainsi qu’aux projets économiques, et même de subordonner ces derniers aux intérêts climatiques et sociaux.

Le concept intégrateur avancé – le «Développement climatique résiliant» – n’en paraît pas moins comme suspendu dans les airs. Difficile, en effet, de voir dans ce catalogue de bonnes pratiques autre chose que des vœux pieux si l’on élude constamment la question du pouvoir. Qui décide et pourquoi? Qui alloue les capitaux et dans quel but? Qui pollue et qui en souffre? Entre non-dit et déni, il paraît illusoire d’espérer ce changement de paradigme auquel nous appelle instamment le rapport du GIEC sans nommer les obstacles majeurs que sont le quasi-monopole des moyens de production, la concentration des richesses, la mondialisation financière et les limites qui s’en suivent pour les démocraties libérales. Lorsque Oxfam et Greenpeace France nous apprennent que le patrimoine financier des 63 milliardaires français émet autant de gaz à effet de serre que celui de 50% de la population française (Lire à ce sujet notre édition du mardi 8 février 2022), on se demande si le GIEC ne devrait pas intégrer quelques économistes à son staff.

En tout cas, l’idée d’un ISF (impôt sur la fortune) climatique porté en France par Yannick Jadot et Thomas Piketty, ou tout autre initiative permettant de réduire le pouvoir de nuisance des super-riches, devraient s’imposer comme une priorité incontournable du mouvement social et climatique.

Opinions Édito Benito Perez Climat

Autour de l'article

Connexion