Édito

Jusqu’où ira Vladimir Poutine?

Jusqu’où ira Vladimir Poutine?
A mesure qu’avance la crise, l’image d’un Poutine joueur d’échecs, toujours en avance sur son adversaire, se brouille avec celle d’un joueur de poker. KEYSTONE
Russie-Ukraine

L’Europe n’avait plus connu cela depuis l’intervention de l’Otan en Yougoslavie en 1999. L’offensive russe déclenchée dans la nuit de mercredi à jeudi contre l’Ukraine choque et inquiète d’autant plus que les objectifs russes ne sont pas clairement identifiés. Le paravent de possibles nettoyages ethniques, comme naguère avec le Kosovo, ne convainc cette fois personne. C’est bien au contraire l’intervention russe qui fait courir les plus gros risques aux populations civiles, y compris russophones. Dès lors, on s’interroge: Vladimir Poutine mène-t-il réellement une guerre éclair pour détruire l’armée ukrainienne et ensuite sanctuariser l’entier des territoires des oblasts de Lougansk et de Donetsk? Ou entend-il renverser le gouvernement et mettre l’entier du pays sous sa coupe, comme le répète inlassablement Joe Biden?

La rationalité plaidait pour l’hypothèse d’une intervention limitée, avec pour but de pousser l’évident avantage militaire russe et faire monter les enchères d’une future négociation. Or, nous n’en sommes déjà plus là, et à mesure que l’offensive se déploie, l’hypothèse d’une guerre totale se renforce, avec son corollaire insensé: l’occupation militaire d’un très grand pays (quatorze fois la Suisse) de plus en plus hostile à son puissant voisin. D’autant qu’après le choc de cette terrible journée de combats, le regard des Ukrainien·nes sur la Russie ne sera plus jamais le même.

Peut-être sommes-nous naïfs mais l’image du Poutine brillant joueur d’échecs, toujours en avance sur son adversaire, se brouille désormais avec celle d’un joueur de poker qui se serait laissé griser et commencerait à miser au-dessus de ses moyens.

Jusqu’où ira donc Vladimir Poutine? Certain·es disent que le maître du Kremlin ira jusqu’où on voudra bien le laisser faire. Ce n’est pas si simple! A l’évidence, si les Occidentaux ont encouragé Kiev sur la voie de l’intransigeance, ils ne lui ont guère donné les moyens d’assumer cette politique jusqu’au bout. Les civils ont commencé à en payer le prix – les fameux «dommages collatéraux»… – bien au-delà du Donbass, où 4000 non-combattant·es ont déjà péri depuis 2014.

Et si pour l’heure, au grand regret de Poutine, les alliés parlent d’une seule voix, leurs moyens d’action demeurent limités. A court terme, les sanctions économiques ne suffiront pas à faire plier une Russie aujourd’hui requinquée par l’envol des prix des matières premières.

Reste à voir si la Chine acceptera de suivre son partenaire. Business-focused, Pékin ne voit sans doute pas d’un bon œil l’instabilité qui s’annonce. Elle-même, faut-il le rappeler, est aux prises avec ses propres séparatismes, même si l’affaire peut aussi réveiller ses ambitions sur Taïwan.

Face à la faillite du droit international, sans doute l’adversaire le plus crédible d’une guerre prolongée pourrait venir à terme de Russie. Malgré l’appareil de propagande du Kremlin et la faiblesse de l’opposition, un bourbier ukrainien pourrait se retourner contre son imprudent instigateur.

Dernière mise à jour: vendredi 25/02/22 à 8h40

Opinions Édito Benito Perez Russie-Ukraine

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