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Les lacs glaciaires accélèrent la disparition des glaces éternelles

Les glaciers qui débouchent dans un lac s’écoulent deux fois plus vite que ceux qui terminent leur course sur la terre ferme. L’étude de la fonte des glaciers qui ont formé des lacs permet de mieux anticiper les risques de pénurie d’eau ou de formation de vague géante qui lui sont liés.
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Les glaciers reculent dans le monde entier, laissant devant eux des moraines frontales constituées par les débris rocheux qu’ils ont transportés. Au fil du temps, l’eau de fonte peut s’accumuler dans les creux en amont de ces barrières naturelles et former de nouveaux lacs – ce qui peut par exemple être observé en Suisse au glacier Tschierva et à celui du Gruben. Lorsque la langue glaciaire pointe dans le lac, la vitesse d’écoulement de la glace est en moyenne multipliée par deux, montre une étude1>J. B. Pronk et al.: «Contrasting surface velocities between lake- and land-terminating glaciers in the Himalayan region». The Cryosphere (2021), https://doi.org/10.5194/tc-15-5577-2021 financée par le Fonds national suisse (FNS)2>Projet FNS 169979 | Base de données de recherche P3. https://p3.snf.ch/project-169979. Le glacier fond donc plus vite. «Ces résultats sont très importants pour prévoir les disponibilités en eau», indique le responsable de l’étude Tobias Bolch, de l’Université de St Andrews en Ecosse, qui a auparavant mené des recherches pendant de nombreuses années à l’Université de Zurich.

Les spécialistes savaient déjà depuis longtemps que les glaciers qui se terminent dans la mer ou dans un lac s’écoulent plus rapidement. «Nous avons maintenant analysé pour la première fois ce phénomène en détail et à grande échelle pour les glaciers de montagne», explique le premier auteur de l’étude Jan Bouke Pronk. Les recherches ont porté sur les 319 glaciers d’une superficie de plus de 3 km2 dans l’Himalaya central et oriental. Un cinquième d’entre eux environ forment des lacs. Les glaciers de cette région alimentent de grands fleuves tels que le Gange et le Brahmapoutre et contribuent à l’alimentation en eau d’un demi-milliard de personnes.

Pour leurs analyses, les scientifiques ont eu recours aux jeux de données des satellites européens Sentinel-2 qui survolent le territoire tous les cinq jours. Les images infrarouges prises de 2017 à 2019 ont une résolution pouvant aller jusqu’à 10 mètres. Un algorithme y a identifié les structures très contrastées telles que les débris rocheux à la surface de la glace et a enregistré à quelle vitesse elles se déplaçaient vers l’aval au fil du temps. Les résultats sont clairs: les glaciers qui se terminent dans un lac se sont déplacés à une vitesse moyenne de 20 mètres par an, soit deux fois plus vite que ceux qui débouchent sur la terre ferme. Le fait que leur surface soit propre ou couverte de nombreux débris n’a pas fait de différence. Cette accélération pourrait s’expliquer par le fait que la langue glaciaire subit un effet de portance qui réduirait la résistance.

Lorsque les glaciers s’écoulent plus vite, les réserves d’eau accumulées dans la glace s’épuisent plus rapidement et les cours d’eau en reçoivent moins. «Jusqu’à présent, l’accélération provoquée par les lacs glaciaires n’avait pas été intégrée dans les prévisions», précise Tobias Bolch. «Dans les régions d’Asie touchées, des pénuries d’eau pourraient par conséquent intervenir plus rapidement que prévu.» Les résultats sont aussi importants sous un autre angle: ils permettent de mieux calculer la vitesse de remplissage des lacs et d’établir à partir de quand le barrage formé par la moraine terminale risque de rompre – et de libérer une vague géante. Cela vaut également pour la Suisse.

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