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Santé publique: que faire pour que ça change? (1/2)

Des structures hospitalières sous-financées et des personnels au bout du rouleau. C’est le constat que tire le secrétaire syndical chargé du secteur David Gygax, à la lumière de la situation au CHUV. Ce spécialiste estime le moment venu d’un plan de refinancement de l’hôpital public.
Vaud

Au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), comme dans tout le secteur de la santé, les deux dernières années ont été particulièrement difficiles. Et pourtant; la situation du secteur (para)public de la santé est grave depuis de nombreuses années. Le Covid a accentué et accéléré des processus déjà bien présents. Le 13 mars 2020, au tout début du confinement, le groupe CHUV du Syndicat des services publics (SSP-CHUV) écrivait: «Depuis de nombreuses années, l’hôpital public est soumis à des cures d’austérité répétées.

Le personnel y est sous pression et épuisé car les dotations sont insuffisantes et les rythmes de travail effrénés. Les mesures d’économies ont aussi touché les infrastructures et les lits disponibles. En temps normal, déjà, la prise en charge des patient·es est bien sûr touchée. Les hôpitaux publics sont sous-financés et sous-dotés par des choix politiques qui suivent tous la même direction: mise en concurrence des hôpitaux depuis 2012, lutte contre la prétendue augmentation des coûts de la santé, financement public (canton et assurance obligatoire) des cliniques privées au détriment des hôpitaux publics, logiques de rendements et de profits dans tous les hôpitaux, etc.»

Tout ceci reste vrai. Et une simple chronologie de ces deux dernières années permet de mieux cerner la situation des personnels.

• En mars 2020, il n’y a pas de matériel de protection, de masques, de gel. Des réquisitions sont faites pour soutenir les soins intensifs; les vacances sont suspendues, les limitations d’heures de travail hebdomadaire sont levées. Le personnel de santé travaillant au contact du virus n’est, dans une large majorité des cas, ni équipé ni testé. Des patrons d’EMS doivent acheter des masques de protection chez les carrossiers du coin. Le service public à la vaudoise…

• En septembre 2020, le CHUV invente pour son personnel la notion de «quarantaine sociale»: les employé·es qui sont cas contacts doivent venir travailler au CHUV, mais doivent se mettre en quarantaine en rentrant à la maison: seul leur travail compte, leur vie sociale, privée, est (une fois de plus) sacrifiée.

• Lors de la deuxième vague, entre octobre et décembre 2020, les opérations électives ne sont pas totalement suspendues et les patient·es Covid remplissent les hôpitaux. La mobilisation du personnel est encore plus forte qu’au printemps précédent.

• En juin 2021, le personnel du CHUV se mobilise et manifeste. Dans la foulée, la cheffe du Département de la santé annonce que les congés-maternité seront remplacés dès le 1er janvier 2022. Mais cette promesse n’est, à ce jour, pas tenue. Rien n’a changé.

Depuis le début de cette crise, le personnel de la santé sert de variable d’ajustement à la situation sanitaire: le virus circule, on mobilise les hôpitaux et on supprime les droits des salarié·es qui y travaillent. Or pendant toute cette période, pas un seul engagement concret pour améliorer la situation n’a été pris par le Conseil d’Etat à l’intention des salarié·es de la santé (si l’on excepte la prime Covid, versée finalement à seulement 15% environ des employé·es).

Pourtant, toutes les conditions sont réunies pour un plan de relance de l’hôpital public: l’Etat de Vaud a 4 milliards de réserve financière; les Vaudois·es ont dit un «oui» massif à l’initiative pour des soins infirmiers forts; la mobilisation des salarié·es est extraordinaire depuis des années, mais elle ne peut pas se prolonger. Ces derniers mois, des vagues de démissions et les nombreux arrêts-maladie ont montré que le personnel était à bout.

Pourquoi les autorités ne lancent-elles pas un plan de refinancement du CHUV et des hôpitaux d’intérêt public? Pourquoi n’écoutent-elles pas ce que disent les salarié·es – l’épuisement, la non reconnaissance, la sous-dotation, etc.? Pourquoi ne décident-elles pas de revaloriser les salaires dans ce secteur historiquement féminisé, et donc scandaleusement sous-payé? Pourquoi ne lancent-elles pas, à moyen terme, des campagnes visant à former et recruter du personnel et, surtout, à lui assurer des conditions de travail qui permettent de «durer» dans la profession?

Ces questions sont dans le camp du Conseil d’Etat. Qui continue à faire le choix de l’austérité permanente. C’est la population, soignante et soignée, qui paie le prix de cette politique.

David Gygax est secrétaire syndical du Syndicat des services publics (SSP), Vaud.

La seconde partie de cette réflexion en deux volets paraîtra dans l’édition de mardi prochain.

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