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Alain Gallay, souvenirs…

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Ceci n’est ni une nécrologie ni une biographie de ce collègue professeur d’archéologue préhistorique et ethnologue de l’université de Genève, disparu le mois passé. Celles et ceux qui s’intéressent à ses idées et à son œuvre trouveront de bien meilleures sources dans ses nombreuses publications ou sur son site internet 1>www.archeo-gallay.ch. Je préfère vous raconter ici nos relations professionnelles et personnelles de 1973 à 2002, période où l’Uni de Genève nous a réunis sous le même toit, dans ce département que l’on qualifiait parfois pour rire de «rayon anthropologie» de la Migros Acacias.

De 1973 à 1982, nous étions collègues enseignants. De 1982 à 2002, il devint mon directeur de département. Nos formations étaient fort différentes, entre lui, archéologue et ethnologue, et moi, généticien-naturaliste, formé aux approches mathématiques du vivant. Mais nous partagions les mêmes curiosités pour les diversités biologiques et culturelles des humains et leurs origines ainsi qu’une même passion pour l’enseignement universitaire que certains de nos collègues, tous «futurs prix Nobel», avaient tendance à fuir.

Malgré le grand écart de nos pratiques – l’un dirigeait des chantiers de fouilles et des enquêtes sur les céramiques, l’autre des calculs sur des résultats de laboratoires médicaux –, nous ne manquions pas de questionnements réciproques sur les problématiques et les résultats de nos disciplines, tout en ironisant rituellement sur ses «sciences molles» et mes «sciences inhumaines». En vingt ans de cohabitation administrative et de partage de ressources communes avec notre collègue Pierre Moeschler, je n’ai pas souvenir d’un conflit ou d’un malentendu grave, ce qui est plutôt inhabituel dans le monde universitaire.

Alain Gallay était un directeur ouvert, à l’écoute de toutes et tous. Les problèmes étaient discutés en assemblée de laboratoire où toute suggestion constructive était bienvenue. Je me souviens du commentaire désabusé d’un délégué syndical: «Pas moyen de vous contester! Dès qu’on demande quelque chose de raisonnable, on l’obtient…». En réunion de direction, nous passions vite des problèmes administratifs aux problèmes de l’enseignement ou à des échanges sur nos actualités de la recherche, vivant cette interdisciplinarité préconisée partout dans les universités et pratiquée si rarement. Alain Gallay avait réussi à mettre en place, avec peu de collaborateurs très dynamiques, un cycle complet rigoureux d’enseignement de l’archéologie préhistorique, traitant autant l’archéologie suisse et européenne que de l’Afrique de l’Ouest où il travaillait au Mali et au Sénégal. On retrouve ses anciennes et anciens élèves un peu partout, comme archéologues cantonaux ou responsables d’équipes internationales. Tous se souviennent avec émotion de l’ambiance à la fois studieuse et joyeuse de ses chantiers de fouilles, locaux ou exotiques, menés avec rigueur théorique et exigences pratiques.

Nous avons eu beaucoup d’étudiants et d’étudiantes en commun, invités par l’un à suivre les enseignements de l’autre, formant des archéologues à la biologie des populations humaines et des généticiens aux sciences d’un passé qui a conditionné l’évolution de nos génomes. Essayant ainsi de les former à une anthropologie moderne, à la fois biologique et culturelle, bien différente de la sinistre science coloniale du passé européen. Nous partagions aussi nos expériences africaines, puisque mes recherches s’étaient en grande partie déroulées au Sénégal oriental, sur des terrains voisins des siens. Alain Gallay, que nos retraites et divers événements m’ont fait perdre de vue ces vingt dernières années, me laisse le souvenir d’une longue collaboration d’une rare cordialité, d’une culture fort différente et complémentaire de la mienne et de nombreux moments de partages scientifiques et humains. Un problème de santé m’a éloigné de Genève au moment de lui rendre l’hommage qu’il mérite et je m’associe ici à toutes celles et ceux qui l’aimaient, avec des pensées spéciales pour Edith, Myriam et Béatrice.

 

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lundi 8 janvier 2018

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